L'appareil  épigastrique  des  Araignées  mâles

ANATOMIE  ET  COMPORTEMENT   DES  ARANEIDES  :
  VINGT-CINQ  ANS  DE  RECHERCHES  

(Version 2023)
                                         
Par André LOPEZ


   

Un  curieux complexe glandulaire et sensoriel annexé à l'orifice génital des mâles d' Araignées, associant des organes sécréteurs, des sensilles et impliqué dans l'induction spermatique


 

Couleurs conventionnelles :
En noir et italiques, termes anatomiques ; en violet,, noms génériques et spécifiques ; en vert, noms de familles et sous-familles ; en orange,, parties les plus importantes et résumés ; en bleu, liens divers.
Abréviations conventionnelles :
M.E.B. : (photographie en) microscopie électronique à  balayage
M.E.T. : (photographie en) microscopie électronique à  transmission
C.H. : coupe histologique (microscopie photonique)


1 - Introduction    
2 - Glandes épigastriques ou prégonoporales
 
     2.a.-Localisation et rapports

      2.b.- Structure générale
     2.c.- Corps glandulaire

             2.c.1.- Histologie
            2.c.2.- Ultrastructure            

             2.c.3.- Variations
                              2.c.3.a.- Variations numériques
                        2.c.3.b.- Variations morphologiques
                        2.c.3.c .- Variations dans les rapports
     2.d. -Canaux
             2.d.1.- Histologie
             2.d.2.- Ultrastructure
     2.e.- Fusules épigastriques
           2.e.1. - Formes
             2.e.2.- Dispositions
             2.e.3.- Puits ("Pits")
             2.e.4.- Structure
3 - Organes gonoporaux (ex "glandes gonoporales")
     3.a.- Localisation et rapports
     3.b.- Histologie
     3.c.- Microscopie électronique
4 - Glandes ex
ocrines tégumentaires
     4.a.- Microscopie électronique
5 - Commentaires
     5.a.- Point de vue anatomique
            5.a.1.-  Organes prégonoporaux
            5.a.2.- Organes gonoporaux
     5.b.- Point de vue fonctionnel
     5.c.- Point de vue ontogénique
     5.d.- Point de vue étho-écologique
     5.e.- Point de vue
phylogénétique

      
1- Introduction


        L’étude de l’appareil épigastrique a débuté en 1970 sur le conseil amical du Pr Roland Legendre
qui fut, avec Jacques Millot,  l’un des deux pionniers de l’étude histologique des Araneides. Elle devait inaugurer toutes les recherches ultérieures de l'auteur sur les Araignées, recherches qui se sont avérées particulièrement fructueuses. André Lopez souhaite exprimer ici une nouvelle fois toute sa gratitude au  grand zoologiste montpelliérain qui a initié ses succés arachnologiques en l'orientant vers cette "voie royale", quasi inexplorée jusqu'alors (Legendre et Lopez,1971).


Legendre



       Les mâles d’Araignées possèdent des organes particuliers, propres à leur sexe, logés dans l'épigastre, plus précisément dans la lèvre antérieure du sillon (fente) génital (e) ou épigastrique. Les plus visibles d’entre eux montrant un aspect de glandes exocrines.  ils sont désignés d’après les premiers travaux de Lopez,1971 sous l’appellation globale -reconnue ensuite comme abusive ! -de «glandes épigastriques».


          En fait, ces organes peuvent être divisés en deux types bien distincts.


   
Les glandes épigastriques proprement dites ou prégonoporales (Lopez,1977) organes sécréteurs pluricellulaires, acinoïdes, consistant chacune en un corps épithélial et un canal excréteur allant s’ouvrir en avant du sillon épigastrique, par une fusule creuse implantée sur le tégument ventral. La présence de fusules a été découverte par Fage et Machado (1950) chez les Ochyroceratidae et  confirmée ensuite par le deuxième auteur (Machado,1951), celle des glandes elles mêmes par Melchers (1964 : Theraphosidae), Marples (1967 : « epiandrous glands » : Gradungulidae) et Lopez (1971).

Elles sont inconstantes et ne se rencontrent pas chez les mâles de toutes les espèces d’Araignées (Lopez,1972 ; Lopez,1977). 
    ► Les organes gonoporaux ont été découverts et décrits chez les Clubionidae et les Dysderidae (Lopez,1972) , puis dans d’autres familles. Ils sont constants et se rencontrent pratiquement chez les mâles de toutes les espèces d’Araignées étudiées jusqu’ici (Lopez,1977).

De plus, étant donné qu’ils peuvent s’associer à des  glandules tégumentaires prégonoporales isolées,  du moins chez les Metinae et les Amaurobiidae (Lopez,1986a ; Lopez,1988), l'auteur a proposé pour l’ensemble le nom d’ «appareil épigastrique» dans une revue générale de la zone du gonopore chez les  Araignées mâles (Lopez,1988). Il s’agit là d’un complexe hétérogène, de prime abord assez incongru puisqu’il associe des formations anatomiques dissemblables et de significations phylo-ontogéniques peut être différentes (Fig.1 à 3).



Epig. Menardi 1
Epig. Agelena
Epig.Argyrodes x
Fig.1.- Meta menardi mâle : région épigastrique
Fig.2 - Agelena labyrinthica mâle : région épigastrique
Fig.3 - Argyrodes X mâle : région épigastrique
Coupes histologiques parasagittales de régions épigastriques et leurs appareils chez trois Araignées
E, fente épigastrique - Ep, glandes épigastriques prégonoporales - F, fusule - G, gonopore - H, poil ventral - Og, organe gonoporal et sa terminaison  (flèche simple) -
S, spermatozoïdes dans le canal commun terminal.
Flèche simple : organe gonoporal et sa terminaison. Dans la Fig.1, les 2 flèches affrontées indiquent des glandules tégumentaires prégonoporales (©  A.Lopez C.H.) 
   

2 - Glandes épigastriques ou prégonoporales 


Elles sont définies comme des organes opisthosomatiques ventraux sécréteurs pluricellulaires et acineux, situés en avant du sillon (fente) génital (e) ou épigastrique, rappelant des glandes à soie et caractéristiques des Araignées mâles.


2.a.- Localisation et rapports


Elles occupent une position caractéristique dans la partie antérieure de l’opisthosoma (2eme segment abdominal) (Lopez,1971 ; Lopez,1977), dite région épigastrique, et y baignent dans l’ hémolymphe d’un «lac» ou sinus sanguin prismatique dont les limites se confondent avec divers organes ou tissus adjacents (Fig.1 à 3).

Sa base postérieure correspond à la fente épigastrique, dépression transversale très profonde (Fig. 1 à 3) où s’ouvre le gonopore (Fig.1,3).

Ses limites latérales sont représentées par des fibres musculaires striées et par la partie interne des deux poumons ou phyllotrachées (Fig. 14).

Sa limite inférieure n’est autre que le tégument ventral, dont l’épiderme, plus ou moins chargé de pigment, et la cuticule sont en continuité avec ceux de l’invagination épigastrique.

La limite supérieure est marquée par le canal commun terminal résultant de l’union des déférents et par les diverticules chylentériques abdominaux.

La limite antérieure correspond généralement aux fibres musculaires striées  qui s’insèrent, d’une part sur le tégument, d’autre part sur le canal commun terminal et l’endochondrite t VIII.


 2.b.- Structure générale

       

        Elle ne varie guère et est bâtie comme celle d’autres organes sécréteurs aranéidiens (glandes venimeuses et séricigènes), sur un plan interne évoquant quelque peu les acini de Vertébrés.

       Chaque "acinus" épigastrique comporte en effet un corps glandulaire sacciforme, sans cellule intermédiaire évidente(à moins qu'elle ne siège au collet : Fig.17) et que pédiculise un canal excréteur (Fig.6,11,12). Ce dernier s’ouvre extérieurement par l’intermédiaire d’une fusule canuliforme (Fig.1,2,4 à 9).


Prégon.Filistata  

Prégon.Leptoneta micr.

Prégon.Araneus  
Fig.4 - Filistata insidiatrixrégion épigastrique
Fig. 5 - Leptoneta microphtalma: région épigastrique
 Fig.6 - Araneus sp. : région épigastrique
  C, cuticule - D, canal excréteur (Fig.6) et  déférent (Fig.4) - E, fente épigastrique - Ep, glandes prégonoporales  et leur épithélium F, fusules - G, gonopore - H, poil - I,  diverticule intestinal - S, sécrétion (Fig.5,6) et spermatozoïdes (Fig.4) - Sp, spermatozoïdes (Fig.5) - T, canal  terminal.    Les organes gonoporaux ne sont pas visibles
 
(©  A.Lopez C.H.). 


Prégon.Hersilia  
Prégon. Eresus 1
Prégon.Philaeus
Fig.7 -Hersilia sp. : région épigastrique
  Fig.8 - Eresus niger région épigastrique
Fig.9- Philaeus chrysops : région épigastrique
C, cuticule - Df,  déférent - E, fente épigastrique -Ep, glandes prégonoporales et leur épithélium -  F, fusules -  H, épiderme modifié - I,  diverticule intestinal -  S, sécrétion -Sp, spermatozoïdes - T, canal  terminal.    Les organes gonoporaux ne sont pas visibles (©  A.Lopez C.H.).   Fig.6


2.c.- Corps glandulaire


2.c.1- Histologie


         Le corps est formé par un épithélium simple (Fig.5 à 15) reposant sur une basale et non surmonté d’un revêtement cuticulaire. Ses cellules sécrétrices (adénocytes) prismatiques ou pyramidales renferment des "boules" ou sphérules logées dans des «vacuoles» plus ou moins apparentes, déformant souvent le noyau et captant en général les colorants acides tels que le bleu d’aniline (Fig.10) et l'éosine. Teintés également en  violacé par l’ hématoxyline de Mallory (Fig.11), ces grains de sécrétion réduisent le réactif de Schiff dans la méthode à l’APS (Fig.12 à 15). Ils passent ensuite dans la lumière et s’y accumulent sous forme d’une masse de sécrétion plus ou moins homogène et à contours festonnés (Fig.11,12,14 à 17).


Prégon.Pholcus ornatus Prégon.Migide Prégon.Amaurobioides
Fig.10 - Pholcus ornatus : glandes prégonoporales Fig.11 - Mygale Migide sp. :  prégonoporales Fig.12 - Amaurobioides africanus :  prégonoporales
C, cuticule - D, canal excréteur - Ep, glande  prégonoporale et son épithélium -  H, poil -  M, épiderme modifié  - S, sécrétion dans la lumière - Sp, spermatozoides - T, canal commun terminal (©  A.Lopez C.H.)



Prégon. Trans. Pholcus
Prégon. Tetragnatha. 1
Prégon.Tetragnatha 2  
Fig.13 - Pholcus phalangioides : prégonoporales
 Fig.14 - Tetragnatha extensa : prégonoporales
Fig.15 - Tetragnatha extensa : prégonoporales, détails
C, cuticule ventrale - D, canal excréteur -Ep, glandes  prégonoporales et leur épithélium - M, muscle - S, sécrétion - Sp, spermatozoïdes - T, canal commun terminal
Coloration APS
(©  A.Lopez C.H.)



Prégon. Agelena
Collet prégon. quadratus
F.16 - Agelena labyrinthica : prégonoporales
Fig.17 - Araneus quadratus, glande prégonoporale.
D, canal excréteur - Ep, épithélium du corps - S, sécrétion dans la lumière. Flèches : cellules spéciales du collet (©  A.Lopez C.H.)




          Il est à noter que des cellules d'un aspect différent, sans sécrétion visible, siègent au voisinage du collet et pourraient y être impliquées dans la  vidange glandulaire (Fig.17).


2.c.2- Ultrastructure

             Elle n’a été qu'explorée chez les mâles de deux espèces d’ Araignées : Pholcus phalangioides (Lopez,1973a) (Fig.18 à 23) et, plus succinctement, Araneus sericatus (Lopez,1977) (Fig. 24,25).

           La lumière du corps s’insinue entre les pôles apicaux des adénocytes pour y former des cryptes plus ou moins profondes. Elle contient un matériel sécrétoire finement granuleux.

   Chaque adénocyte est une grosse cellule sécrétrice prismatique s’engrenant profondément dans ses voisines par des interdigitations que souligne le plasmalemme très sinueux de ses faces latérales.
              Le pôle basal est régulier, parfois convexe, montre un
plasmalemme ne formant pas de replis intra-cytoplasmiques et repose sur une lame trés fine.

            Le pôle apical est garni de microvillosités courtes, grêles, flexueuses, contenant des microfilaments axiaux, emplissant les cryptes et  plongeant dans le matériel sécrétoire qui occupe la lumière (Fig.18,19,24,25).

      

Pregon.Pholcus MET 3
Pregon.Pholcus MET 2
Pregon.Pholcus MET 1
Fig.18 - Pholcus phalangioidesadénocytes, apex
Fig.19 - Pholcus phalangioides autres adénocytes
Fig.20 - Pholcus phalangioides : partie  basale, noyau
Ch, chromatine - G, grains de sécrétion - J, jonction sub-apicale - M, mitochondrie - Mv, microvillosités - N, noyau - Nu, nucléole - Ri, réticulum.  (©  A.Lopez M.E.T)


         
Le noyau, arrondi et généralement basal (Fig.20,21,24,25), renferme une chromatine finement dispersée dans son nucléoplasme, réunie aussi en mottes marginales, et un nucléole
réticulé excentrique. L’enveloppe nucléaire est en nette continuité avec le réticulum endoplasmique de sorte que leurs cavités peuvent  communiquer largement (Fig.21 : flèches rouges)


Noyau épigastrique
Fig.21 - Pholcus phalangioides : noyau et cytoplasme d'adénocyte
Ch, chromatine (mottes marginales) - G, grain de sécrétion - N, nucléoplasme - Nu, nucléole - Ri, réticulum endoplasmique. Flèches jaunes : feuillet interne de l'enveloppe nucléaire. Flèches rouges : communications entre l'espace péri-nucléaire et les cavités du réticulum
(©  A.Lopez M.E.T)



             Ce dernier est remarquablement développé, en grande partie lisse (Fig.18,19, 21,22,24,25) et forme des cisternae de taille très variable, s’enchevêtrant les unes dans les autres, correspondant aux «vacuoles» de la microscopie optique.

   Les grains de sécrétion paraissent y naître prés du pôle basal dans le réticulum endoplasmique (Fig.22). Ils sont régulièrement sphériques, homogènes, d’opacité variable, avec un contour très net comme tracé au compas mais parfois un peu «décollé» de la membrane qui les limite. Ils gagnent le pôle apical de l'adénocyte ;  leur contenu y est extrudé dans la lumière (Fig.23), parfois  entre les pieds des microvilli et se joint au matériel sécrétoire qui l’emplit.

   

      

Pregon.Pholcus MET 5 Pregon.Pholcus MET 4
Fig.22 - Pholcus phalangioides : autres parties basales et noyau Fig.23 - Pholcus phalangioides : sécrétion  et  vésicules émises par les apex
G, grains de sécrétion - Mi, mitochondrie -N, noyau - Ri, réticulum - S, sécrétion -V, vésicule (©  A.Lopez M.E.T)


          

Pregon.sericatus MET 1 Pregon.sericatus MET 2
Fig.24 - Araneus sericatus : paroi de glande prégonoporale et  ses adénocytes Fig.25 - Araneus sericatus : Paroi de glande prégonoporale et autres adénocytes
 G, grains de sécrétion - L, lame basale - Mv, microvillosités apicales - N; noyau - Nu, nucléole - Ri, réticulum endoplasmique - S, sécrétion (©  A.Lopez M.E.T)



           Les autres organites sub-cellulaires sont de petites mitochondries
sphériques (Fig.22), à crêtes estompées, à matrix très claire, siégeant surtout près du noyau  dans le pôle basal et de petites vésicules apicales. Ces dernières paraissent vides mais ont une membrane trés contrastée (vésicules recouvertes) et sont parfois libérées dans la lumière avec le contenu des grains (Fig.23). Bien qu’il n’ait pas été observé de dictyosomes individualisés, elles pourraient avoir une origine golgienne.

   La cohésion  des adénocytes est assurée par de petites jonctions sub-apicales (desmosomes zonaires) (Fig.18,19).


2.c.3- Variations

 
2.c.3.a-V.numériques


      
Etabli d’après celui de leurs fusules brisées et intactes, le nombre des corps glandulaires est réduit chez certaines Argyrodes (2 ou 3) et les Pholcidae (4 à 5), plus important chez certaines Araneidae (Gasteracantha, 6 à 8 ; Nemoscolus, 10 ; Cyrtophora, 15) et les Theridions (8 à 13), moyen chez Argiope (20) et Nephila, pouvant enfin atteindre la trentaine chez d’autres Araneidae.

          Les chiffres les plus élevés semblent caractériser Eresus niger ( Fig.8, 52 ) et les Mygalomorphes où Legendre(1972)  a pu dénombrer , chez Scodra calceata (Stromatopelma calceatum) de 150 à 200 fusules.


2.c.3.b-V.morphologiques


        
Le corps glandulaire est généralement sphéroïdal ou piriforme, donc acineux. Il peut aussi s’allonger en un sac tronconique régulier (aspect tubulo-acineux d’Eresus niger : Fig.8) ou de forme ovoïde (Pholcidae : Fig.10).

Chez Amaurobius erberi, le corps glandulaire paraît inhabituellement très petit dans les coupes histologiques et comme «sous-développé».

Les grains de sécrétion ont un aspect uniforme dans la grande majorité des familles. Toutefois, chez Pisaura mirabilis et surtout certains Linyphiidae tels que Pityohyphantes phrygianus, ils se répartissent en deux lots conférant un net aspect mi-partie (selon un terme de Millot pour les glandes à soie) au corps de la glande : un lot supérieur ou distal dont les grains sont plus volumineux (diamètre 3 à 4 µ) et captent fortement l’éosine, donc acidophiles ;  un lot  inférieur, proximal ou juxta-canalaire dont les «boules» sont plus petites (2 µm) et se colorent en noir-bleuté par l’hématoxyline, donc basophiles, au point de se confondre avec le pigment mélanique de l’épiderme ventral sous-jacent (Fig.26) ).


 

Prégon.Pityo.
Fig.26 - Pityohyphantes phrygianus, mâle : région épigastrique avec les glandes prégonoporales mi-parties
C, cuticule ventrale - E, fente épigastrique - Ep1, Ep2, régions distale et proximale des glandes prégonoporales - F, fusule - G, gonopore - P, épiderme ventral pigmenté - S, spermatozoïdes (©  A.Lopez C.H.)

2.c.3.c- V.volumétriques

         Les dimensions les plus importantes se rencontrent chez Eresus niger dont les tubulo-acini mesurent 480 µm de long, pour une largeur de 120, sont bourrés de grains acidophiles  et se groupent en un massif cuneiforme dense, long de 1 mm chez un mâle de 1,5 cm (Fig.8).

         Dans la familles des Pholcidae, la longueur varie de 150 µ (Pholcus) à 230 (Smeringopus) pour une largeur moyenne de 80.

Les dimensions les plus modestes sont observées chez les Theridiidae dont le diamètre acineux n’excède pas 40 µm pour une épaisseur épithéliale 4 fois moindre.


2.c.3.c-V.dans les rapports              

       Chez le Pholcide Holocnemus pluchei, l'auteur a détecté la présence remarquable, jusqu'ici unique, de cellules pigmentées rameuses (Lopez,1973c), aussi-bien dans le céphalothorax (Fig.27) que dans l'abdomen où ces chromatophores entourent chaque acinus épigastrique, lui formant  un «manteau» caractéristique et soulignant ses contours (Fig.28).



chromato.Holocnemus
Prégon. Holocnemus
Fig.27 - Holocnemus plucheichromatophores dans le tissu réticulé du céphalothorax. Fig.28 -Holocnemus pluchei :  chromatophores entourant un acinus  épigastrique
C, cuticule ventrale - Ch, chromatophores -  Ep, acinus  prégonoporal - M, muscle - Mc, "manteau" de chromatophores - P, épiderme pigmenté - R, tissu réticulé (©  A.Lopez C.H.)



2.d.- Canaux


2.d.1- Histologie

       Chaque canal se présente comme un fin conduit éosinophile (Fig.6,11,12,13,15,17), de calibre assez constant mais de longueur variable, rectiligne ou pelotonné sur lui-même, et entouré par au moins une cellule satellite dont le noyau dense, trés chromatique, est seul bien visible, surtout au voisinage du collet.

 Juste avant d’aboutir à sa fusule, le canal traverse généralement un épiderme modifié (Fig.4,6,7,9,29,30) que Marples (1967) décrivit  pour la première fois chez Hickmania dans une étude histologique rudimentaire. Cet épithélium, plus ou moins concave, déprimé en «cupule» ou «puits» (« pit »), est formé par des cellules prismatiques hautes, à noyaux basaux, à cytoplasmes clairs, d’aspect «fibrillaire» (Fig.29,30), pouvant renfermer des grains de pigment mélanique et est surmonté par un revêtement cuticulaire strié.



Prégon.Eresus 2 Prégon. Argiope 2
Fig.29 - Eresus niger : puits et épiderme modifié
Fig. 30 - Argiope bruennichi : puits et épiderme modifié
C, cuticule ventrale - D, canaux excréteurs - E, fente épigastrique - Ep, glandes prégonoporales et leur épithélium - Ev, épiderme ventral - F, fusules - H, épiderme modifié sous le puits (P). Flèche : dépression cuticulaire du puits
Le revêtement cuticulaire a été détruit dans la coupe de la Fig.30 (©  A.Lopez C.H.)



2.d.2- Ultrastructure

          Chaque canal est formé par une cuticule d’abord striée puis homogène, qu’entourent des cellules satellites ou canalaires remarquables par une disposition complexe de leurs membranes.

             La cuticule paraît se délaminer peu avant sa terminaison.

          Le pôle apical de chaque cellule canalaire est uni à celui des voisines par des jonctions zonaires et compartimenté par de profondes invaginations de son plasmalemme en microvillosités  nombreuses et parallèles (Fig.31). Ces microvilli montrent des densifications apicales et sont séparées de la cuticule par un espace extracellulaire. Des vésicules d’endocytose sont visibles entre leurs pieds.


Prégon. canal MET
Fig.31- Araneus sericatus : canal excréteur .

 C, cuticule - J, jonction - S, sécrétion - V, microvilli.  (©  A.Lopez M.E.T)



2.e.- Fusules épigastriques

Dans les coupes histologiques, à la loupe binoculaire et surtout au M.E.B (Lopez,1988), les fusules se présentent comme des structures de forme assez constante mais de disposition plus variable. Leur compte permet évidemment celui des corps acineux, donc des glandes prégonoporales, souvent difficile et parfois impossible dans les coupes histologiques lorsqu’elles y sont trop nombreuses.


2.e.1.- Forme.

De prime abord, les fusules épigastriques évoquent celles des filières de glandes séricigènes (Fig. 32)



Fusules ant. Hahnia
Fig.32 - Hahnia sp. : fusules  sur une filière antérieure.
Eb, embase - F, fusule - H, poils - L, filière (©  A.Lopez M.E.B)



Elles peuvent être coniques, courtes et tronquées (Pholcus phalangioides) (Fig.33) ou, plus souvent, grêles et effilées, longues de 40 à 70 µm pour un diamètre basal de 10 maximum.

Elles sont alors

presque droites dans les genres Nemesia (Ctenizidae) (Fig.34), Holocnemus (Pholcidae)(Fig.35), Argiope (Araneidae)(Fig.36), Micrathena (Araneidae) (Fig.37) et Philoponella (Uloboridae), de Guyane (Fig. 38)

plus ou moins arquées chez Scytodes (Scytodidae)(Fig.48), Nesticus (Nesticidae) (Fig. 49) et Araniella (Araneidae) (Fig.52)

un peu «tordues» dans les genres  Leptoneta (Leptonetidae)(fig.43) et Saitis (Salticidae)(Fig.54).


Fusules Pholcus phal. Fusules Nemesia
Fusules Holocnemus
Fig.33 - Pholcus phalangioides : région épigastrique. Fusules.
Fig.34 - Nemesia caementaria : région épigastrique. Ensemble
Fig.35 - Holocnemus pluchei : région épigastrique.
E, fente épigastrique - F, fusules - H, poils (©  A.Lopez M.E.B)


Fusules Argiope
Fusules Micrathena
Fusules Philoponella
Fig.36 - Argiope argentata. Fusules
Fig.37 - Micrathena schreibersi. Région épigastrique.Ensemble
Fig.38 - Philoponella republicana. Fusules
A, alvéole - E, fente épigastrique  - F, groupes de fusules - H, poils (©  A.Lopez M.E.B)


 Les fusules épigastriques ne sont pas lisses dans l’ensemble mais un peu striées-cannelées suivant la longueur. Amaurobius erberi (Amaurobiidae) représente le seul cas où leur  surface soit garnie de spinules (Fig. 39,40).



Fusules erberi 2
Fusules erberi 1
Fig.39 - Amaurobius erberi :  deux groupes de fusules Fig.40 - Amaurobius erberi :  autres fusules, détails
A, alvéoles - F, fusules - H, poil. Flèches : spinules (©  A.Lopez M.E.B) Scan photo 3,  1988.


            Le point de jonction de la fusule avec le tégument ventral
montre une grande diversité d’aspects surtout visible en M.E.B.
 Il  peut être :
       . de niveau avec  une surface tégumentaire plane dont la fusule fait directement saillie :  Nemesia caementaria (Fig. 34) et Atypus affinis 
(Fig. 47) (Mygalomorphae), Anelosimus eximius, de Guyane (Theridiidae) (Fig41).
           . sur un léger relief en "coussin" : Filistata insidiatrix (Filistatidae).
        . enfoncé dans une alvéole arrondie
de sorte qu’il apparaît entouré d’un sillon circulaire, simple (Amaurobius : Amaurobiidae) (Fig. 39) ou lui-même encerclé par un relief cupuliforme plus ou moins saillant, soit lisse (Salticus scenicus : Fig. 42 ; Pholcus phalangioides : Fig. 33), soit décoré de crêtes concentriques trés nettes (Leptoneta infuscata minos : Fig. 43).



Fusules Anelosimus
Fusules salticus
Fusules Leptoneta
Fig.41 -Anelosimus eximius : région épigastrique.
Fig.42 - Salticus scenicus : région épigastrique.
Fig.43 - Leptoneta infuscata minos : fusules.
A, alvéole - E, fente épigastrique - F, groupes de fusules - H, poils. Flèches (Fig.42) : fusules (©  A.Lopez M.E.B)


  De plus, la base des fusules épigastriques ne montre pas un profil modifié (Lopez,1988), alors que celle des fusules de glandes séricigènes est caractérisée par un élargissement bulbeux ou en cône (Fig. 32). Les Ochyroceratidae font toutefois exception car leurs fusules épigastriques ont une embase élargie remarquable au-dessus de laquelle chaque fût s'effile progressivement (Lopez,1980 : Ochyrocera peruana ; Lopez,1985 : Ochyrocera thibaudi, de Guadeloupe ; Lopez,1997 : Ochyrocera caeruleoamethystina, de Guyane) (Fig. 44 à 46).
 


Fusules Ochyr.per.
Fusules Ochyr.thib.
Fusules Ochyr. Caeru.
Fig.44 - Ochyrocera peruana:  lèvre antérieure, fusule
Fig.45- Ochyrocera thibaudi Lopez : fusules.
Fig.46 - Ochyrocera caeruleo-amethystina Lopez: fusules 

C, cuticule - E, fente épigastrique - F, fusule et son embase (Eb ou B) - Ep, corps de glande prégonoporale - H, poil - V, face ventrale de l'épigastre en avant des fusules.Flèche (Fig.45): cordon spermatique sortant de la fente (©  A.Lopez C.H. Fig.44 et  M.E.B. Fig.45,46)

           

De même, chez les Tetragnathidae Tetragnatha extensa et Pachygnatha clercki, chaque fusule possède une embase cylindrique à sommet tubulaire que prolonge le fût (Fig. 55).
    


2.e.2.- Dispositions.

            La disposition des fusules, que l'on peut qualifier de "fusulotaxie" (réemployant ainsi un "suffixe" parfois accolé au nom de certains poils sensoriels, les trichobothries = "trichobothriotaxie") est très variable suivant  les groupes et atteint son maximum d'originalité dans le cas des Tetragnathidae.

          Chez les Mygalomorphae, telles que Nemesia caementaria (Fig.34) et Atypus affinis (Fig. 47), les fusules sont très nombreuses, solitaires et disposées sans ordre sur presque toute l’étendue de l’aire épigastrique.

          

Fusules Atypus
Fig. 47- Atypus affinis : région épigastrique.
H, poils. Flèches : fusules disposées sans ordre (©  A.Lopez M.E.B)



             Chez les Araneomorphae, elles peuvent être

isolées, peu nombreuses et sur une seule file : 5 dans le genre Ochyrocera (Ochyroceratidae) (Fig. 44 à 46), 9 chez Scytodes thoracica (Scytodidae) (Fig.48).

plus nombreuses (13 à 14) et tendant à se disposer sur deux files chez Nesticus cellulanus (Nesticidae) (Fig. 49).

peu nombreuses mais ayant tendance à se réunir en deux groupes : Pholcidae dont Pholcus phalangioides (Fig. 33) et surtout Holocnemus pluchei (Fig. 35), où 5 fusules évoluent vers un rapprochement par 3 et 2.

nombreuses et réunies en plusieurs petits groupes inégaux de disposition irrégulière chez les Metinae  Meta bourneti et M. menardi (Fig.50) (Lopez,1986a ; Lopez,1988).


Fusules Scytodes Fusules Nesticus Fusules menardi
Fig.48 - Scytodes thoracica : région épigastrique
Fig.49 - Nesticus cellulanus : région épigastrique
Fig. 50 - Meta menardi  : région épigastrique
E, fente épigastrique ; F, fusules ; H, poil ; V, face ventrale de l'épigastre en avant des fusules. Flèches : orifices des glandules tégumentaires (©  A.Lopez M.E.B)


nombreuses mais formant de petits groupes régulièrement espacés sur une ligne transversale dans le cas d’ Araignées aussi diverses que les Araneidae, tels qu'Argiope argentata (Fig.51), belle espèce néotropicale à grand dimorphisme sexuel comme l' Argiope lobée de nos garrigues, Araniella cucurbitina (Fig.52), les genres Nephila et Gasteracantha, les Linyphiidae (Linyphia, Florinda), les Gnaphosidae (Drassodes lapidosus) (Fig.53), les Agelenidae (Tegenaria), les Uloboridae (Philoponella) (Fig.38) et les Eusparassidae (Micrommata) (Lopez,1988).


 Fusules Argi.argen.1
Fusules cucurbitina 1
Fusules Drassodes
Fig. 51 - Argiope argentata :  région épigastrique

Fig.52 - Araniella cucurbitina : région épigastrique

Fig.53 - Drassodes lapidosus.- Groupes de fusules

                                                          E, fente épigastrique - F, fusules - H, poil - V, face ventrale de l'épigastre en avant des fusules (©  A.Lopez M.E.B)


réunies cette fois en deux «touffes» ou «pinceaux», bien distinctes et symétriques chez les Theridiidae Argyrodes cognatus, Anelosimus eximius (Fig.41) araignée coloniale de Guyane, ainsi que chez Leptoneta infuscata minos (Leptonetidae) (Fig.43), Saitis barbipes (Salticidae) (Fig.54) et surtout, Tetragnatha extensa (Fig.55) et Pachygnatha clercki (Tetragnathidae) (Lopez,1988).


Fusules Saitis
Fusules Tetragnatha
Fig.54 - Saitis barbipes : région épigastrique
Fig.55 -Tetragnatha extensa : région épigastrique
E, fente épigastrique - F, fusules - H, poil - V, face ventrale de l'épigastre en avant des fusules (©  A.Lopez M.E.B)



2.e.3.- Puits ("Pits")


        Les fusules groupées peuvent se loger dans des dépressions communes arrondies ou oblongues et de profondeur variable : les  «puits» ("pits" en anglais).  Leur rebord ou margelle, mousse ou un peu aigu, surplombe le tégument voisin.

Déjà visibles dans les coupes histologiques où leur dépression cuticulaire surmonte l' épiderme modifié entourant la terminaison des canaux excréteurs (Fig.29,30,56,58), ils apparaissent surtout au M.E.B. chez Argiope argentata (Fig.59), Araniella cucurbitina (Fig.60), Saitis barbipes (Salticidae) (Fig.54), Eresus niger (Eresidae) (Fig.61) et tout particulièrement, dans l’intéressante famille des Tetragnathidae. Tetragnatha extensa (Fig.55) et Pachygnatha clercki possèdent deux dépressions symétriques séparées par une crête



Prégon.Agelena 2
Prégon.Argiope 1
Prégon. Argiope 2
Fig. 56 - Agelena labyrinthica : puits et fusules
Fig. 57 - Argiope bruennichi : puits et fusules
Fig.58 - Argiope bruennichi : puits et fusules, détail
C, cuticule ventrale - D, canaux excréteurs  - E, fente épigastrique - Ep, glandes prégonoporales et leur épithélium - Ev, épiderme ventral - F, fusules - H, épiderme modifié sous le puits. Flèches : dépression cuticulaire du puits (©  A.Lopez C.H.)



Fusules Argy. argen.2 Fusules cucurbitina 2 Fusules Eresus
Fig. 59 - Argiope argentata :  groupe de fusules et "puits" Fig.60 - Araniella cucurbitina :  groupe de fusules et "puits"
Fig.61 - Eresus niger : groupes de fusules
 déjà présentées en C.H. . Fig.29.
   
E, fente épigastrique - F, fusules - H, poil - P, puits et leur margelle  (©  A.Lopez M.E.B)


         Leucauge argyra , une Araignée néotropicale de couleurs vives, fréquente aux Antilles (Lopez,1994) et en Guyane française,  représente sans aucun doute le cas le plus remarquable : ses fusules, isolées ou groupées, sont entièrement incluses, sur toute leur hauteur, dans un très grand «puits» transversal situé juste en avant du sillon épigastrique sur sa lèvre antérieure ayant la forme d’une  «auge» et qui semble presque les engainer (Lopez,1986a ; Lopez,1988) (Fig. 62,63).   

 

Epigastrique Leucauge 
Fusules Leucauge
  Fig. 62 - Leucauge argyra : région épigastrique, vue globale.  Fig.63 - Leucauge argyra : le "puits" en "auge".
A, margelle du "puits" en "auge"- E, fente épigastrique et sa lèvre antérieure L - F, fusules - H, poils - V,  face ventrale de l'épigastre.
 Flèches : orifices de glandules tégumentaires
(©  A.Lopez M.E.B) Fig.63 : scan photo 16, 1988.

                                                                                                          


  2.e.4.- Structure

Les coupes histologiques (Fig.1,4,5,6,7,8,9) montrent surtout que chaque fusule est creuse et traversée sur toute sa longueur par le canal excréteur de la glande prégonoporale correspondante. Ce canal s’ouvre à l’extrémité libre de la fusule par un pore qui peut être éversé.


3 - Organes gonoporaux (ex "glandes gonoporales)


3.a.- Localisation et rapports

                Ils occupent une position très voisine de celle des glandes prégonoporales dans la partie antérieure de l’abdomen ou opisthosoma et y baignent  aussi dans l’ hémolymphe du même «lac» ou sinus sanguin  (Fig. 1).

Leur aspect microscopique et l’absence de sécrétion permettent aujourd’hui d’en affirmer la nature nerveuse et sensorielle que l'auteur a découverte tardivement dans des photos de sa thèse au M.E.T (Fig.64).


3.b.-Histologie


                Les cellules constitutives ne se groupent plus en acini.

Elles sont isolées les unes des autres dans le mode «dispersé» (Lopez,1972 : Segestriidae, Dysderidae ; Lopez,1974a ; Lopez,1974b : Pholcidae) (Fig. ) ou réunies en deux massifs symétriques plus ou moins compacts dans le mode «agminé» (Lopez,1972 ; Lopez,1973b ; Lopez,1974a ; Lopez,1974b ; Lopez,1976), notamment chez les  Miturgidae et les Argyronetidae.

Leur cytoplasme est peu visible, exigu, et sans grains de sécrétion individualisés. Deux d’entre elles, les neurones, ont un noyau arrondi, clair et vésiculeux ; les autres sont des cellules  «satellites» ou «enveloppes», plus petites, à noyau allongé, ovoïde, riche en chromatine.

        Il s’en détache une structure spéciale que l'auteur avait initialement considérée à tort comme un canalicule excréteur individuel (Lopez,1972) mais qui est en fait une gaine cuticulaire entourant des dendrites de neurones. Elle présente l’aspect d’un tubule «chitinoïde», coloré par l’éosine et le vert lumière, non par l’ APS, de section arrondie, grêle, très exigu (1 µm) délié, plus ou moins long (10 à 20 µm), rectiligne ou coudé.

        Chez les Dysderidae et les Segestriidae (Fig .64 à 66), les organes gonoporaux, au nombre très approximatif d’une cinquantaine,  s’éparpillent sur le mode «dispersé». Leurs gaines cuticulaires, souvent longues de 20 µm, peuvent présenter des dilatations ampullaires, se lover en boucle et  aboutissent, indépendamment les unes des autres, dans le canal commun terminal dont elles traversent l’épithélium en se raccordant à son revêtement chitineux. Elles s’y terminent  par une petite saillie acuminée, la «papille», logée parfois dans une dépression cuticulaire en entonnoir, l’ «infundibulum» (Lopez,1972) (Fig.66).

          

Gonoporale Segestria 1
Gonoporale Segestria 2
Gonoporale Segestria 3
Fig.64- Segestria florentina : organes gonoporaux
Fig.65 - Organes gonoporaux, détail : papille
Fig. 66 Organes gonoporaux, autre détail : infundibulum
C, canal commun terminal et sa cuticule - Et, son épithélium - Ev, cellule-enveloppe - I, infundibulum - N, noyaux - T, gaine cuticulaire en "tubule". Flèches : papilles
(©  A.Lopez C.H.)
  


         Les organes gonoporaux des Pholcidae sont beaucoup moins nombreux (Fig. 67), plus superficiels et pourvus d’une gaine cuticulaire se terminant par une papille en « bouton » argyrophile non pas dans le canal commun terminal mais dans la fente épigastrique elle même.


Epigastrique Pholcus
Fig.67 - Pholcus phalangioides : organes gonoporaux
C, canal commun terminal - E, fente épigastrique en coupe oblique - Ep, glandes prégonoporales (corps) - S, amas de spermatozoïdes - Tv, tégument ventral.
Flèches : papilles et gaines argyrophiles
(©  A.Lopez C.H.) Préparation à l'argent



           
Les organes gonoporaux des autres Araignées, Miturgidae en particulier (Fig. 59) sont pairs et "agminés" en deux groupes compacts symétriques, toujours plus superficielque ceux des Dysderidae et des Segestriidae. Leurs gaines cuticulaires groupées constituent un  faisceau court et dense (Fig.59 à 60) et traversent la cuticule de la fente épigastrique, épaissie à ce niveau en une plaque d’affinité tinctoriale modifiée et portant en surface une ou plusieurs «papilles» saillantes (Fig. 59,61).


Gonop.Chiracanthium  
Gonop. Argyroneta
Gonop. Desis
Fig.59 - Cheiracanthium  punctorium : organe gonoporal
Fig. 60 - Argyroneta  aquatica : organe gonoporal
Fig.61 - Desis  formidabilis : organe gonoporal
C, cuticule - E, fente épigastrique - Ep (ou P), épiderme (pigmenté) - N, noyaux de neurones et cellules-enveloppes - Pl, plaque  - Tu (ou T), gaines cuticulaires.
Flèches : papilles
(©  A.Lopez C.H.). La Fig.59 a un intérêt "historique" car elle signe la découverte de l'organe gonoporal !



3.c.-Microscopie électronique



La zone de terminaison présumée des organes gonoporaux ne révèle pas au M.E.B. l’existence d’ orifices excréteurs. Ces pores auraient été les seuls indicateurs de glandes sous-jacentes.

Elle montre seulement deux champs symétriques portant une ou plusieurs saillies correspondant aux «papilles» de la microscopie optique, en forme de mamelon plus ou moins conique, mousse ou acuminé (Fig.63). La surface de ces projections est lisse et imperforée dans sa  totalité. Elles sont surtout bien visibles dans le cas des Lycosidae (Fig.62,63) où leur siège inhabituellement superficiel les rend beaucoup plus accessibles que chez les autres Araignées. Les terminaisons profondes caractérisant le mode «dispersé» (Pholcidae, Dysderidae, Segestriidae) échappent d’ailleurs totalement au M.E.B.

          


Gonop.Pardosa hortensis
Gonop. Alopecosa MEB
Fig.62- Pardosa hortensis : champs gonoporaux 
Fig.63- Alopecosa fabrilis  : champ gonoporal
E, fente épigastrique - H, poils plumeux - V, face ventrale de l'épigastre. Les flèches désignent  les champs gonoporaux et leurs papilles
(©  A.Lopez M.E.B)



          Il est à noter que le  tégument entourant les champs épigastriques gonoporaux ne porte que des poils tactiles, simples ou plumeux.

Au M.E.T, certaines images revues ultérieurement (Cheiracanthium punctorium : Miturgidae) (Fig.64) rappellent sans aucun doute celles du stato-récepteur pédiculaire (le prétendu «appareil stridulatoire ») des Argyrodes.

Chaque organe gonoporal est une unité anatomo-fonctionnelle constituée par 2 neurones bipolaires, 3 cellules enveloppes, la gaine cuticulaire et un capteur externe correspondant à la «papille» ou «mamelon».

Le corps cellulaire des  neurones renferme un noyau arrondi, régulier, nucléolé, à chromatine surtout marginale, des mitochondries, un appareil de Golgi (dictyosomes) et du réticulum.

Le prolongement axonique n’a été qu’entrevu. Les dendrites des deux neurones de chaque unité renferment des neurotubules longitudinaux. D’après certains  documents photographiques dont l'auteur a perdu la trace dans un laboratoire de l'INRA (St Christol les Alès), ils semblaient comporter aussi des centrioles et un corps tubulaire n’existant peut être que dans un seul d’entre eux.

Ces dendrites, accolés en couple, sont entourés par la gaine cuticulaire, très osmiophile,  nette à leur contact, mal limitée extérieurement et allant rejoindre la papille pour s’y insérer (Fig.64).



Dendrites, microvil.1
Fig.64 -Cheiracanthium  punctorium : coupe transversale d'un couple de dendrites.  
D, dendrites ; C, gaine cuticulaire ;  M, mitochondrie ; Mv, micvrovillosités ;
P, plasmalemme de cellules-enveloppes ;
T, neurotubules (©  A.Lopez M.E.T)
d'après  1977, planche IV


Les trois cellules enveloppes (Fig.64) sont allongées, aplaties, enroulées sur elles-mêmes en manchons, forment ainsi des mésos, s’accolent aux neurones, entourent  les dendrites et leur gaine cuticulaire. Leur noyau basal est allongé et riche en chromatine. Leur cytoplasme renferme des mitochondries, du réticulum lisse, une sécrétion ( ?) en flaques peu denses et des microtubules. La plus interne d’entre elles est hérissée de microvillosités au contact de la gaine cuticulaire ; l’étroite cavité extracellulaire qui les sépare renferme un matériel dense estompant la gaine et lui donnant peut être naissance (Fig.64).


 
4 - Glandes exocrines tégumentaires

Un autre type de glande exocrine, bien distinct des organes acineux prégonoporaux, peut être rattaché à l’ appareil épigastrique dont il complète la « triade » anatomique.

          Il a été découvert au M.E.B. et par coupes histologiques chez les Meta bourneti et M.menardi, chez Leucauge argyra (Metinae) (Lopez,1986a), et retrouvé plus tard  dans deux autres familles, les Amaurobiidae (Amaurobius) et les  Zoropsidae (Zoropsis) (Lopez,1988).

 

4.a-Microscopie électronique

          
          
Le M.E.B. montre que les orifices excréteurs de ces glandules sont de simples pores siégeant sur la lèvre antérieure de la fente épigastrique. Chez les Meta , ils s’éparpillent sur sa totalité parmi les bases de fusules  et les alvéoles de poils banaux (Fig.65 à 67), tandis que chez Leucauge argyra, ils se limitent au seul versant postérieur du curieux «puits» en «auge» (Fig.62). Ils sont dispersés à la surface du tégument, sans ordre apparent mais toujours de niveau avec elle. Solitaires ou agminés (Fig. 66,67), ils ont une forme arrondie, un diamètre assez variable (1 à 3 µm) et ne possèdent pas de bourrelet marginal.


Epig. menardi
Pores Menardi  
 Pores Bourneti
Fig.65 - Meta menardi : région épigastrique, vue d'ensemble
Fig. 66 - Meta menardi : lèvre antérieure, détail
Fig.67 - Metabourneti : lèvre antérieuree, détail
E, fente épigastrique - F, fusules - H, poils - V, face ventrale de l'épigastre (lèvre antérieure). Flèches : pores excréteurs  (©  A.Lopez M.E.B) 


4.2- Structure  histologique

      
        
Les coupes histologiques passant par les pores montrent nettement qu’ils correspondent à la terminaison de canalicules excréteurs. Brefs et rectilignes, ces derniers se détachent du pôle apical de cellules glandulaires logées dans l’épiderme sous-jacent et aboutissent aux orifices excréteurs. Il s’agit de gros adénocytes en cône allongé (L = 50 à 60 µm), indépendants les uns des autres et entourés par des cellules épithéliales plus ou moins pigmentées (Fig. 68). Leur noyau vésiculeux (D = 10 µm)  montre un gros nucléole et est surmonté par une aire acidophile ovoïde (L = 12 µm), le «réservoir». Ce dernier est finement strié en travers, indice de microvillosités, contient l’origine du canalicule excréteur et doit correspondre sur le plan ultrastructural à un «appareil terminal» («end apparatus»), tel que Mercer et Brunet (1959) l’ont défini pour la première fois chez la Blatte. Des cellules canaliculaires satellites à noyau ovoïde « tigré » sont repérables sous la cuticule (Fig.68).


Glandules Meta 1
Glandules Meta 2
Glandules Meta 3 
Fig. 68 - Meta menardi, lèvre antérieure de la fente épigastrique : coupes histologiques sagittale et parasagittales montrant des glandules exocrines tégumentaires.
C, cuticule ; D, canalicule excréteur de glande prégonoporale ; E, fente épigastrique ; F, fusule ; H, poil ; N, noyau d'adénocyte ; O, orifices excréteurs ;  P, épiderme  ; R, réservoir ; St, cellule canaliculaire satellite. Flèches : canalicules excréteurs des glandules exocrines (©  A.Lopez M.E.B)  
  


5 - Commentaires

5.a. Au point de vue anatomique,
       5.a.1 - les organes prégonoporaux, lorsqu’ils existent, sont des glandes exocrines pluricellulaires fondamentalement semblables chez toutes les Araignées
mâles
malgré des différences de taille, de nombre et, plus accessoirement, de forme.

Leur structure histologique diffère de celle des glandes annexes présentes dans la (les) spermathèque(s), l'atrium génital des Araignées femelles, ainsi que des autres organes glandulaires décrits dans ce sous-site, d'autant plus qu'ils se composent surtout d'unités à cellules de classes 1 et 3 selon Noirot et Qennedey (1974, 1991). La classe  3  avec son  appareil terminal (Schéma 2) est ici absente.

Elle rappelle en revanche étonnamment celle des glandes séricigènes. Dans les deux cas, la sécrétion d'un épithélium glandulaire commun, sans revêtement de cuticule, se concrète en boules acidophiles qui passent dans la lumière, s’y fusionnent et sont ensuite drainées par un canal excréteur aboutissant à la fusule terminale. D'abord notée par  Melchers (1964) puis par Marples (1967 : «epiandrous glands»), leur ressemblance  est telle que Kaestner (1968), s’inspirant du premier auteur, n’hésite pas à signaler des «glandes à soie» dans l’extrémité antérieure de l’abdomen aranéidien. Pour sa part, l'auteur a  qualifié de «glandes E» les organes prégonoporaux de Pholcidae (Lopez,1973a) afin de les comparer aux glandes à soie «A» et «B» décrites par Millot (1929,1931) dans cette famille. La même ressemblance  histologique a été largement soulignée ensuite pour un grand ensemble d’ Araignées mâles (Lopez,1971 ; Lopez,1977) et, par Legendre (1972), chez la Mygale Scodra calceata. Au point de vue ultrastructural, le canal excréteur se rapproche beaucoup delui des glandes à soie, notamment les aciniformes du type B (Kovoor & Zylberberg,1974). Le corps glandulaire montre une même organisation de base mais il existe cependant  des différences sensibles dans la qualité des organites (réticulum, appareil de Golgi), le mode d’extrusion de la substance élaborée et sa nature même(Lopez,1973a).

L’épiderme modifié entourant le canal avant qu’il ne pénètre dans sa fusule (Fig.9,29,30) pourrait bien être une glande à cellules de classe 1 (schéma1) au sens de Noirot et Qennedey (1974, 1991).


5.a.2.- En ce qui concerne les organes gonoporaux, rappelons que l'auteur les avait d'abord décrits comme également sécréteurs (Lopez,1972) et entrant dans le cadre de ses prétendues "glandes hypodermiques monocellulaires et canaliculées" (Lopez,1974b ; Lopez,1977). Un examen au M.E.B., non alors réalisé, aurait pu prouver l’absence complète d’orifices excréteurs, seules structures pouvant révéler des glandes sous-jacentes.

Par la suite une meilleure connaissance des structures nerveuses au M.E.T. lui a montré qu’ils ne peuvent être des glandes mais plutôt des organes sensoriels et que sa première interprétation  était donc erronée.

Les organes gonoporaux font partie des sensilles mécanoréceptrices, structures  spécialisées dans la perception des stimuli externes qui s'exercent  sur la cuticule tégumentaire chitineuse, véritable «exosquelette».

Dans le cadre général de ces sensilles mécanoréceptrices, les organes gonoporaux se rattachent plus spécialement  aux mécanorécepteurs cuticulaires type I de Mac Iver (1975), formations associant de même un composante chitineuse ou cuticulaire, des cellules sensorielles ou neurones et des cellules enveloppes. Leurs dendrites neuronaux renferment toujours un corps tubulaire, structure éminemment caractéristique des sensilles d’Arthropodes décrite pour la première fois par Thurm (1964) chez l’Abeille domestique. La composante cuticulaire peut être un poil ou ses dérivés (sensilles à poil des Araignées, Crustacés et Insectes), une fente ou lyrifissure comme pour les organes lyriformes pédiculaires et, dans le cas présent, une papille évoquant le dôme chitineux des Insectes. Ils semblent ainsise rapprocher surtout des sensilles campaniformes qui caractérisent ces derniers et dont Pringle (1938) a découvert le rôle, bien que leur neurone soit toujours unique (MacIver,1975 alors que l’innervation est multiple, au moins double, chez tous les Arachnides (Araignées, Scorpions, Acariens…).

5.b. Au point de vue fonctionnel, et comme l’a constaté Melchers (1964) dans ses belles observationsur une Mygale Pamphobeteus, les organes prégonoporaux sécrètent  un matériel qui est déposé sur la toile spermatique préalablement construite également observée chez d'autres espèces en élevage (fig. )  et n’en forme donc pas le tissu même.

En effet, ce dernier est tissé avec des fils qu’émettent par leurs fusules les filières de l’extrémité abdominale. Les nombreuses notes (par exemple Gerhardt & Kaestner,1938 en particulier) où sont décrites la diversité de forme et la confection des toile spermatiques en témoignent. Dans le cas des Clubionidae il est même possible que certaines des glandes séricigènes observées chez le mâle (Wasowska,1969) les produisent électivement. 



schémas toiles spermatiques
toile spermatique de Mygale
Toile sperm Neriene
Linyphia toile spermatique
Fig.69 - Deux aspects schématisés de toiles spermatiques (Linyphia et Ero (selon Gerhardt)  D'après Internet
Fig.70 - Mygale mâle (Acanthosurria) tissant sa vaste toile spermatique. Elevage.
 D'après Internet

Fig.71 -  Linyphiide mâle et toile spermatique en triangle, vue de face. D'après Internet Fig.72 - Linyphia mâle remplissant un bulbe sur sa toile vue de profil (induction).
D'après Internet
B, bulbe - SE, sécrétion blanchâtre des glandes prégonoporales vue par transparence  - TSp, toile spermatique, désignée par flèche in fig.72.


De plus, les mêmes fusules de glandes à soie sont très saillantes, orientables, donc susceptibles d’une activité ordonnée dans le tissage de la toile spermatique alors que les fusules épigastriques sont immobiles, souvent enchassées dans un «puits» et ne peuvent qu’émettre un matériel amporphe.

La Mygale Pamphobeteus est certes un  matériel de choix par sa taille mais ne saurait constituer un cas d’espèce,  de sorte qu’il paraît fort logique d’extrapoler son acte à toutes les Araignées pourvues de glandes acinoïdes prégonoporales. La carence d’observations semblables dans la littérature arachnologique peut être liée à la taille beaucoup plus petite des autres espèces étudiées, ce qui rend l’observation malaisée, à la brièveté de l’acte qui passe ainsi inaperçu, et surtout, à la possible quasi-simultanéité de l’éjaculation primaire et du dépôt épigastrique prégonoporal.

De leur côté, les organes gonoporaux sont des  structures sensorielles percevant comme tout mécanorécepteur, une déformation du corps par des stimuli externes. Dans ce cas particulier, il s’agirait des pressions exercées à leur surface lorsque le mâle d’ Araignée «frictionne» la lèvre antérieure de sa fente épigastrique sur la toile spermatique ou un autre support («masturbation»). Leur curieuse disposition linéaire chez les Pholcidae (Fig.67)  tout comme d’ailleurs celle des fusules (Fig. 33,35), pourrait être en rapport avec la structure de la toile spermatique réduite à un seul fil que  l’ Araignée passe transversalement au travers de son orifice génital. Si tel est le cas, une répartition analogue devrait se retrouver chez les Scytodidae et les Palpimanidae car ils tissent aussi une toile spermatique rudimentaire (Gerhardt et Kaestner,1938 ; Dabelow, 1958).

Dans tous les cas, la stimulation  des organes gonoporaux qui en résulte provoquerait une dépolarisation (signal électrique) via le corps tubulaire et la membrane dendritique ainsi que Thurm (1964), Rice & al. (1973) l'ont proposé pour d'autres organes d' Arthropodes,  puis, selon un «arc réflexe », le dépôt de la sécrétion des glandes épigastriques acinoïdes (lorsqu’elles coexistent) ainsi que l’émission du sperme (éjaculation primaire) sur cette même sécrétion prégonoporale.

5.c- Au point de vue ontogénique, l’appareil épigastrique pourrait dériver d’une ébauche « épiandrique » appendiculaire commune, bien qu’il soit constitué par trois formations distinctes n’ayant pas la  même activité physiologique. Cette hypothèse repose essentiellement sur :

la ressemblance des glandes prégonoporales et des glandes séricigènes qui montrent une même organisation de base sur les plans histologique et ultrastructural .

sur la forte tendance des fusules à la bipartition, devenue évidente chez les Tetragnathidae (Fig. 49).

  le caractère pair des organes gonoporaux,

sur le fait que les glandules présumées phéromonales sont semblables à celles, dites segmentaires, qui se localisent sur la base d’appendices (chélicères, rostre, lames maxillaires, coxae, filières).

Dès lors, l’appareil épigastrique correspondrait  dans son ensemble à des  structures vestigiales, restes d’appendices disparus, utilisés initialement dans la vie sexuelle puis incorporés au sillon génital (lèvre antérieure) des Araignées mâles adultes. Il pourrait être ainsi homologué aux gonopodes et glandes annexes des Amblypyges mâles (Lopez,1986b). 

Une telle théorie est cependant infirmée par les fusules des Mygalomorphes et Liphistiomorphes, généralement considérées comme «primitives», en tout cas plus «anciennes» que les Araignées Tetragnathidae, et qui, à priori, devraient montrer une bipartition encore plus évidente que chez ces dernières alors qu’elles sont remarquablement dispersées dans le cas des Mygales étudiées !

5.d- Au point de vue étho-écologique et comme le présumait déjà Marples (1967), la présence de glandes acinoïdes prégonoporales nous paraît être sans aucun rapport avec le mode de vie et l’environnement naturel de l’animal. Un exemple frappant est celui des Araignées aquatiques intertidales et dulçaquicoles parmi lesquelles Amaurobioides africanus en est pourvu (Fig. 12), tandis que Desis et Argyroneta  ne possèdent que des organes gonoporaux (Fig.60,61).

5.e.- Au point de vue phylogénétique, il serait  séduisant de pouvoir impliquer la taxonomie  dans le conditionnement de l’appareil épigastrique.

Il y a près de 40 ans, l'auteur a tenté, d’établir un rapport entre ce dernier et la classification des Araneides (Lopez,1974a ; Lopez,1977). Ce rapport était essentiellement basé sur le fait étonnant que toutes les Araignées ne possèdent pas de glandes acinoïdes prégonoporales et, qu’en en tenant compte, 4 groupes distincts peuvent être individualisés au sein de l’ordre. Le groupe I réunit des espèces dont les mâles ne semblent montrer que des glandes prégonoporales (Liphistiomorphae, Theridiidae, Araneidae, Hersiliidae, Filistatidae). Les groupes II et III sont dépourvus de glandes prégonoporales mais possédent en revanche des organes gonoporaux, soit  profonds et aboutissant au canal commun terminal (Segestriidae, Dysderidae), soit superficiels et se terminant sur la lèvre épigastrique antérieure (Argyronetidae, Desidae, Clubionidae, Thomisidae, Lycosidae, Zoropsidae). Le groupe IV est «mixte» car il associe les deux types d’organes, prégonoporaux et gonoporaux, ces deniers pouvant être soit dispersés (sous-groupe 1 : Pholcidae) (Fig.58), soit agminés (sous-groupe 2) dans la plupart des autres cas. En 1974, il réunissait déjà un grand nombre de familles, notammenrt les Eresidae, les Uloboridae, les Salticidae, au moins certains Thomisidae, les Eusparassidae, les Agelenidae, les Oxyopidae et les Pisauridae. Ce sous-groupe 2 est donc trés étendu et a paru d’importance croissante au détriment du groupe I

Il paraît cependant difficile d’établir une corrélation entre la phylogénie et les glandes épigastriques (présence ou absence, aspect et disposition de leurs fusules) (Lopez,1988).

Trop de discordances peuvent en effet se manifester :

au niveau familial, comme chez les Clubionidae parmi lesquels Phrurolithus flavitarsis possède des glandes prégonoporales acineuses et fusulées tandis que Chiracanthium punctorium en est dépourvu - ce qui s'explique aujourd'hui par son appartenance à une toute autre famille : les Miturgidae !) et chez les Salticidae dont l’espèce Salticus scenicus montre des fusules s’espaçant en une seule file incurvée (Fig.42) alors que celles de Saitis barbipes sont réunies en deux groupes distincts (Fig.54). Il semblerait aussi que les Lycosidae et Thomisidae mâles soient parfois dépourvus de glandes prégonoporales.

au niveau générique, comme chez les Argyrodes (Theridiidae) dont certaines espèces n’ont qu’un nombre très réduit de glandes épigastriques  (A.elevatus : 2 en général) et d’autres, sensiblement plus élevé (A.cognatus : 8 à 10, avec 2 groupes de fusules).

Il s’agit donc là d’une classification isolée, trop artificielle et aussi fragile que les anciennes tentatives de taxonomie ayant pour seule base un caractère anatomique isolé (cœur, poumons, glandes à soie…). L’étude de l’appareil épigastrique ne pourra acquérir une valeur réelle en taxonomie que si elle est étayée par d' autres critères d’ anatomie interne (glandes rostrale, venimeuses, gnathocoxales, segmentaires, séricigènes...).    

 

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