Mastophora


 
Mastophora
ANATOMIE  ET COMPORTEMENT DES  ARAIGNEES  : VINGT-CINQ  ANS  DE  RECHERCHES
(Version 2022)

par André Lopez, auteur


 
Article en rapport étroit avec : Cyrtarachninae araignées endocrinoïde  et  Araign%E9es_et_allomones.html

Son texte et les illustrations se trouvaient autrefois, avec une présentation quelque peu différente dans

       https://fr.wikipedia.org/wiki/Mastophora

                                                                                                  https://www.frwiki.org/wiki/Mastophora

avant d' y être détruits volontairement deux fois (dont Août 2022) par des saboteurs "wikipédiens" afin de les ramener  à la  version indigente en langue anglaise.

https://en.wikipedia.org/wiki/Mastophora_(spider)

 Leur motivation réelle apparait plus bas dans la partie " Anatomie interne". Cette version française in extenso a pu être heureusement sauvée du vandalisme.

Les  Mastophora sont des Araignées Araneidae propres au Nouveau Monde, d'aspect et comportement  "fantastiques", ne tissant pas de toile orbiculaire mais en revanche produisant des "globules" visqueux qu'elles manipulent comme les gauchos leurs "bolas" pour y engluer les proies, exclusivement de petits Diptères et surtout, des Papillons Hétérocères mâles. L'attraction de ces derniers par Mastophora est  sans nul doute liée à un tissu abdominal endocrinoïde extraordinaire qu'a découvert et  nommé  A.Lopez, tissu que les Américains semblent avoir ignoré dans leurs publications concernant un genre pourtant autochtone.



The Mastophora are Araneid Spiders specific to the New World, of "fantastic" appearance and behavior, not weaving an orbicular web but on the other hand producing viscous "globules" which they manipulate like the gauchos their "bolas" to stick the prey, exclusively small Diptera and especially male Heterocera Moths. The attraction of the latter by Mastophora is undoubtedly linked to an extraordinary endocrinoid abdominal tissue discovered and named by A. Lopez, a tissue that the Americans seem to have ignored in their publications concerning a genus that is nevertheless autochthonous.





Couleurs conventionnelles :
      En noir et italiques, termes anatomiques ; en violet,, noms génériques et spécifiques ; en vert, noms de familles et sous-familles ; en orange,, parties les plus importantes et résumés ; en bleu, liens divers
Abréviations conventionnelles :
M.E.B. :
(photographie en) microscopie électronique à balayage
M.E.T. : (photographie en) microscopie électronique à transmission
C.H. : coupe histologique (microscopie  photonique)

  1- Introduction
  2- Description
  3- Comportement

  4- Anatomie interne
    4-1- Glandes à venin
    4-2- Glandes gnathocoxales
    4-3- Diverticules intestinaux
    4-4- Glandes tégumentaires
    4-5- Palpe mâle
    4-6- Appareil génital (abdomen)
    4-7- Appareil séricigène
           4-7-a- Glandes ampullacées
           4-7-b- Glandes piriformes
           4-7-c- Glandes aciniformes
           4-7-d- Glandes agrégées
           4-7-e- Glandes flagelliformes
           4-7-f-Glandes tubuliformes
    4-8- Tissu folliculaire endocrinoïde abdominal
           4-8-a - Histologie 
           4-8-b - Ultrastructure
5 - Commentaires
     5-1-Considérations anatomo-physiologiques
           5 -1-a - Appareil génital
           5-1-b - Appareil séricigène
           5-1-c - Tube digestif 
           5-1-d - Tissu folliculaire endocrinoïde abdominal
                      5-1-d-a - Rapports avec la glande de mue
                      5-1-e-b -  Hypothèses fonctionnelles
      5-2 - Considérations phylogéniques

   
1 - Introduction

Créé par Holmberg (1876) le genre Mastophora est un groupement d' Araignées Aranéomorphes de la famille des Araneidae. Appelé aussi Glyptocranium et Agathostichus par Simon (1895,1897), il est placé aujourd’hui dans la sous-famille des Cyrtarachninae, y formant la tribu des Mastophorini, avec les genres Cladomelea, Acantharachne (Afrique) et Ordgarius (Australie,Océanie).

Au point vue biochimique et éthologique, il fait partie du groupe étrange des Araignées à  allomones

En ce qui concerne la distribution, toutes les espèces du genre Mastophora se rencontrent exclusivement en Amérique tempérée et surtout tropicale.
Au point de vue étymologique et
par allusion à la forme des excroissances somatiques, le nom "Mastophora" pourrait avoir été construit  à partir du grec ancien  : ''mastós'' (« mamelle, sein ») et φορός, phoros (« porteur »)

L'anatomie et le comportement des Mastophorini o
ffrent des particularités uniques dans l'ordre des Araignées, peut être même dans le monde animal tout entier.

2 - Description

Comme les autres Mastophorini, les Mastophora se singularisent par un corps trapu et des pattes épineuses. Le céphalothorax montre de curieuses protubérances dorsales, soit une paire de «cornes occipitales» plus ou moins bifurquées (Fig.1a,5,6), soit des files de pointes acérées. Leur abdomen est globuleux, avec des bosses dorso-latérales parfois très saillantes et des teintes cryptiques. Le dimorphisme sexuel est considérable (mâles "pygmées") (Fig.1b)



Mastophora 1
Mastophora dimorphisme
Fig. 1 a - Mastophora cornigera, à gauche et M.bisaccata, à droite : céphalothorax de femelles vus de face. Fig. 1 b - Mastophora bisaccata, couple.
Mâle au-dessus de la femelle.
Voir aussi  Fig.6 dans
Araign%E9es_et_allomones.html
#Fig.6_-
F, femelle -  M, mâle nain - O, yeux - P, pédipalpes. Flèches : "cornes".
D'après A.Lopez, 1998.



3 - Comportement

Les Mastophora immatures et les mâles subadultes capturent uniquement des Diptères Nématocères Psychodidae (Yeargan & Quate, 1996,1997) et les femelles, des Papillons Hétérocères (Gertsch,1947; Stowe,1986). Tous ces Insectes sont des mâles que l'araignée attire en émettant des substances volatiles odorantes qui simulent les phéromones sexuelles de leurs femelles et font donc partie des allomones. Pour cela, les femelles ne tissent pas de toile orbiculaire mais un simple fil horizontal de suspension (Fig.3, 4) et un "bola" pendant (Fig.2,3), ce dernier ainsi nommé car évoquant le dispositif de capture du bétail utilisé par les gauchos sud-américains pour entraver ses pattes. Il est homologue de la spirale adhésive des Araignées orbitèles et correspond donc bien à un "fil de capture gluant". Il se compose d'un fil vertical et d'un globule visqueux dont l' adhésivité, le caractère extensible et la richesse en eau sont extrêmes (Eberhard,1980) mais qui se dessèchent rapidement pour perdre leurs propriétés, ce qui expliquerait que l' Araignée les ingère et les reconfectionne toutes les 15 à 30 minutes.

Mastophora manipule le bola avec sa deuxième paire de pattes (PII) en lui imprimant un mouvement de rotation (Fig.3) et englue à la volée les proies qu'elle a attirées, le globule adhérant au tégument des Lépidoptères malgré la couverture d'écailles protectrices (Fig.4). Elle les hale ensuite avec le fil ou descend vers elles, les saisit entre les pattes, les paralyse avec ses chélicères et les enveloppe enfin de soie avant de les consommer.

Les jeunes Mastophoras des deux sexes sorties du cocon et les mâles émettant une "odeur" attractive pour les Diptères Nématocères, saisiraient directement ces derniers avec leurs deux premières paires de pattes, PI et PII, garnies de "herses" d' "épines" (Fig.5) sans utiliser de bolas (Eberhard,1980)  ou en confectionnant des "miniatures" (Stowe,1986) , ce qui reste à démontrer.


Mastophora 2
Fig. 2 - Bola montrant le fil de suspension, pelotonné en son centre, et la glue qui l'entoure.


Mastophora 3
Mastophora 3 neg
Fig.3a - Mastophora bisaccata femelle tenant son bola avec une patte (à droite) et attirant un Hétérocère mâle (à gauche). Floride.
D'après une diapositive.
Fig.3b - Les mêmes. Image négative



Mastophora 4
Fig.4 - Mastophora bisaccata, même femelle, venant de capturer l'Hétérocère mâle qui s'est englué sur le bola.
D'après une diapositive.


Mastophora 5
Mastophora 6
Fig.5 - Mastophora immature, vue de face : céphalothorax avec ses cornes, pattes I et II, abdomen avec ses bosses à l'arrière plan . Fig.6 - Mastophora cornigera , mâle : vue dorsale de la carapace montrant les deux protubérances postérieures ou "cornes" (H).
H, "cornes" - O, région oculaire- PI et PII, pattes hérissées de soies. Dessin. 0, région oculaire (©A.Lopez, M.E.B.)


  4 -Anatomie interne

Comme pour celle de Kaira (1986,1998, 2001), rivale de Mastophora en "extravagance" structurale et éthologique, Lopez (1985a,1985b) a effectué sa toute première étude  jamais effectuée  au microscope en Arachnologie. Ses recherches, de nature histologique, ont porté sur Mastophora cornigera, M. bisaccata (Mastophoreae) et, à titre comparatif, sur Celaenia excavata (Celaenieae) de Nouvelle-Zélande ainsi que Poecilopachys australasia, d' Australie, autres Cyrtarachninae.

Il est à préciser ici que les deux premiers taxons, provenant des États-Unis (Californie, Floride) où l’ Américain Stowe les avait récoltés sans mesurer l’importance réelle de ce matériel , étaient représentés par des exemplaires à divers stades évolutifs, y compris des jeunes femelles et tous les mâles mûrs sortis depuis peu du cocon (M.bisaccata). Les études microscopiques de l'auteur français ont révélé, comme chez Kaira, d’étonnantes structures internes en rapport avec le comportement hors normes des taxons concernés, cela au grand dam des arachnologistes Américains, Stowe inclus, qui ont préféré les occulter totalement dans leur littérature. Selon toute vraisemblance, ces « scientifiques » US ont  du même faire pression sur « Wikipédia » puis sur « Free Wiki », où les deux articles correspondants ont été stérilisés sans vergogne, tant ils faisaient ombrage à leurs versions anglo-américaines. En ce qui concerne le présent article sur Mastophora récupéré avant destruction totale, il suffit de le comparer avec "Wiki" en utilisant, comme déjà évoqué sous le titre, les deux liens suivants, l'un vers le texte françisé de cette "Encyclopédie" et l'autre vers l'anglais :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mastophora

https://en.wikipedia.org/wiki/Mastophora_(spider)l

 

4-1 - Glandes à venin

Elles montrent un corps allongé et sacciforme reposant sur le syncérébron (Fig.11). Il est formé par un épithélium sécréteur simple et par une tunique musculaire contractile à fibres striées (Fig.11). Le canal excréteur est dépourvu de toute différenciation particulière.

4-2 - Glandes gnathocoxales

Ces glandes "maxillaires" ou « salivaires », logées dans les gnathocoxae, ne présentent qu’un seul type de corps sécréteurs tubulo-acinoïdes, y compris chez le mâle (Fig.7). Il n'existe donc pas de dimorphisme sexuel des glandes gnathocoxales contrairement à ce que l'on observe chez d'autres Araneidae, Kaira alba comprise.

 

Mastophora 7
Fig.7 - Mastophora mâle : coupe histologique de gnathocoxa.
Les glandes "salivaires" sont toutes "classiques" (Gc). M, muscles .Comparer avec la Fig.39Kaira mâle (©A.Lopez,C.H.).


4-3 -
  Diverticules  intestinaux

L’intestin moyen de Mastophora émet des diverticules thoracentériques développés : expansions latérales, s’engageant dans les coxae des pattes ambulatoires et surtout, diverticules du plan supérieur. Ces derniers offrent la particularité singulière de pénétrer dans les «cornes» dorsales (Fig.1,5,6), en occupent la majeure partie (8 à12), surmontent le cerveau ou syncérébron (Fig.10,11) et entrent en contact avec des muscles striés prosomatiques, aussi bien chez les femelles immatures (Fig.10 à 12) que chez les adultes (Fig.32, Fig.33) et les mâles (Fig. 8,9).
Comme les diverticules intra-abdominaux du chylentéron (intestin), ils comportent à leur surface des cellules particulières, décrites pour la première fois par Millot
(1931) chez d’autres Araignées : les gua(ni)nocytes ou cellules à guanine, ainsi nommées car elles contiennent cette substance, un produit d’excrétion cristallin biréfringent, s’éclairant donc en lumière polarisée (Fig.9, Fig.33et qui apparaît très blanc dans les images négatives. Un sinus sanguin sépare les diverticules du tégument dont l’épithélium aplati, sans différenciation glandulaire, est recouvert d’une épaisse cuticule verruqueuse ininterrompue.

 

Mastophora 8
Mastophora  9
Fig.8 - Mastophora mâle : cornes céphalothoraciques renfermant des diverticules intestinaux. Fig.9 -Mastophora mâle, même coupe vue en lumière polarisée.
C, cuticule - D, diverticule chylentérique - G, guaninocytes - H, corne - M, muscle (©A.Lopez, C.H.en lumière normale). C, cuticule - D, diverticule chylentérique G, guaninocytes intestinaux biréfringents  - H, corne -M, muscle (©A.Lopez,, C.H.polarisation).


Mastophora 10
Mastophora 11
Mastophora 12
Fig.10 - Mastophora cornigera, femelle immature : coupe parasagittale du prosoma passant par une corne. Fig.11- Mastophora cornigera , autre femelle immature : coupe parasagittale du prosoma passant par une corne.  Fig.12 - Mastophora cornigera, autre femelle immature : coupe histologique transversale du prosoma passant par les. cornes.
 C,cuticule - Ch, chélicère -D, diverticule chylentérique - G, guanocytes - Gn, gnathocoxa - H, corne - Hb, autre corne (bifurquée) - M, muscle - N, cerveau  -V, glande à venin
(
©A.Lopez, C.H., lumière normale).


4-4 - Glandes tégumentaires


Chez les mâles et femelles immatures des Mastophora, les pattes antérieures, garnies d’une «herse» de soies prolatérales (fig.5), renferment de nombreuses glandes tégumentaires dans leurs articles. Bien visibles en coupes histologiques et moins nombreuses chez le mâle (Fig13,14) que chez la femelle (Fig.15), elles sont sous-cuticulaires, intra-épidermiques et comportent un adénocyte avec "réservoir", un canalicule excréteur, sa cellule satellite ou cellule canaliculaire.

L'adénocyte est pourvu d’un gros noyau nucléolé (Fig.14) et d’un "réservoir" ovoïde (Fig.13 à 15). Ce dernier, qui correspond indiscutablement à une cavité extracellulaire sur le plan ultrastructural, montre de fines stries acidophiles radiaires, en fait des microvillosités et est centré par un canalicule récepteur (fig.14 : flèche), leur ensemble formant le classique "appareil terminal" ("end apparatus") décrit chez les Insectes (Noirot & Quennedey, 2003) et est prolongé par un canalicule excréteur. Ce dernier s’entoure d'une ou plusieurs cellules satellites à noyau très chromatique et traverse ensuite la cuticule pour aboutir en surface à un pore excréteur (Fig.13 : flèches).


Mastophora 13
Mastophora 14
Mastophora 15
Fig.13 - Mastophora cornigera, mâle : tégument de patte antérieure en coupe transversale.  Fig.14 - Mastophora cornigera, mâle : tégument de patte antérieure en coupe horizontale. Fig.15 - Mastophora cornigera, femelle immature : tégument de patte antérieure en coupe perpendiculaire
C, cuticule - D, noyaux des cellules canaliculaires - M, muscle - N, noyau d' adénocyte - P, poil - R, "réservoir". Flèches : pores de canalicules excréteurs
(©A.Lopez, C.H.)


4-5 - Palpe mâle   

Chez le mâle mûr de Mastophora, issu directement du cocon - fait extraordinaire chez les Araignées où il ne se retrouverait guère que dans le genre Arachnura - le bulbe du pédipalpe (Fig.16) englobe un long tube séminifère.

Son réservoir montre une partie chitineuse fenestrée et un épithélium glandulaire banal, à une seule catégorie de cellules comme chez les autres Araneidae et d’ailleurs, comme dans l’ordre tout entier (Lopez, 1977)Ce réservoir était rempli de spermatozoïdes encapsulés chez tous les mâles examinés (Fig.16) ; provenant du tractus génital après induction spermatique, ils peuvent y séjourner très longtemps.

 

Mastophora 16
Fig.16 - Mastophora bisaccata mâle: bulbe après induction spermatique, vue trés partielle.
S, spermatozoïdes (gamètes) - T, paroi chitineuse du tube séminifère dont sont visibles trois sections que sépare la glande du palpe.
(©A.Lopez, C.H.)



4-6 - Appareil génital (Abdomen)

L’abdomen de Mastophora renferme, chez la femelle, un appareil génital sans particularité notable. Celui du mâle, en revanche, se singularise, tout comme le pédipalpe, par un développement complet à la sortie du cocon. Il contient déjà une grande quantité de spermatozoïdes emplissant les testicules et surtout les deux déférents (Fig.17) jusqu’au canal commun terminal (Fig.18) De plus, de minuscules glandes acinoïdes faisant partie d'un appareil épigastrique, sont visibles avant juste en avant du sillon homonyme, dans sa lèvre antérieure (Fig.18).

Mastophora 17
Mastophora 18
Fig.17 - Mâle de Mastophora venant de sortir du cocon : Spermatozoïdes murs emplissant le canal déférent. Fig.18 - Même mâle de Mastophora  : spermatozoïdes murs emplissant le canal commun terminal.
A, appareil épigastrique - Ct, canal commun terminal -  D, diverticule intestinal - F, canal déférent -Fe, fente épigastrique - S, spermatozoïdes murs (©A.Lopez, C.H.)


4-7 - Appareil séricigène

Inconnu avant les recherches histologiques de A.Lopez (1985a, 1985b), il se compose dans le cas de la femelle des 6 types de glandes séricigènes  d' Araneidae dès le 3eme stade du développement. En revanche, l’appareil séricigène du mâle est réduit à 4 catégories : glandes ampullacées majeures et mineures, glandes piriformes et glandes aciniformes.

4-7-a - Glandes ampullacées

Au nombre de 4, soit 2 majeures et 2 mineures, elles ont un corps à deux portions dont l’épithélium sécrétant est formé par 2 catégories d'adénocytes. Leurs canaux excréteurs se terminent respectivement dans les filières antérieures et moyennes.

4-7-b - Glandes piriformes

Elles sont assez volumineuses, un peu irrégulières et «mi-parties» selon l’expression de Millot car formées par des cellules proximales et distales à sécrétions protéiniques se colorant différemment (Fig.18). Leurs canaux aboutissent aux filières antérieures.

 

Mastophora 19
Fig.19 -  Mastophora cornigera, femelle adulte : glandes piriformes.
Da, région distale acidophile - Pb, région proximale basophile - S, sécrétion bicolore. Flèches: canaux excréteurs.
(©A.Lopez, C.H.)

4-7-c - Glandes aciniformes

Les aciniformes de catégorie «B», les moins nombreuses, et de catégorie «A», se terminent dans les filières moyennes et postérieures.

4-7-d - Glandes agrégées

 Les 2 paires d’agrégées sont remarquables par leur volume considérable, déjà noté chez les femelles immatures (Fig.). Multilobées, elles ont une lumière anfractueuse et un aspect arborescent (Fig.20,21). Leur épithélium simple ne comporte qu’une seule catégorie d’adénocytes à sécrétion glycoprotéinique. Leurs canaux excréteurs, noduleux et à plusieurs couches pariétales aboutissent aux filières postérieures.
Par ailleurs, chez Poecilopachys australasia, autre Cyrtarachnine, les mêmes glandes ont un développement considérable (Fig.37,38). Leurs canaux présentent une paroi à nodules si étendus qu'ils semblent parfois s'en être isolés pour former un tissu distinct (Fig.).

De son côté, Celaenia excavata , de même sous-famille, parait totalement dépourvue de glandes agrégées, catégorie dont l'absence est connue, par ailleurs chez d'autres Araneidae construisant pourtant une grande toile non visqueuse (Cyrtophora) ( Lopez & Kovoor, 1982).

 

Mastophora 20
Fig.20 - Mastophora cornigera, femelle adulte. Vue très partielle de l'abdomen montrant le grand développement des glandes à soie agrégées.
Ag, glandes agrégées - E, leur épithélium simple - D, diverticules intestinaux
(©A.Lopez, C.H.)

 
 4-7-e - Glandes flagelliformes

Les deux glandes flagelliformes montrent une partie distale à sécrétion protéinique et une deuxième proximale élaborant un produit glycoprotéinique. Leurs canaux excréteurs sont reçus également par les filières postérieures où chacun d’eux s’associe étroitement en "triade fonctionnelle" avec une paire de canaux de glandes agrégées.

4-7-f - Glandes tubuliformes

Les six glandes tubuliformes ont une seule catégorie de cellules sécrétoires. Elles se terminent dans les filières moyennes et postérieures.

Chez les Mastophora cornigera et bisaccata (immatures, femelles adultes, mâles mûrs) l'appareil décrit  présente une composition et une structure d’ensemble qui sont typiques des Araneidae, et ne reflète donc pas la disparition de la toile orbiculaire. Les glandes flagelliformes produisent vraisemblablement les fils axiaux pelotonnés des "bolas" de Mastophora. Le grand développement des agrégées assure une sécrétion de "glue" très abondante.

Mastophora 21
Fig.21 - Mastophora cornigera, femelle immature. Coupe transversale et totale d'abdomen -
Ag, glandes agrégées - E, leur épithélium simple - D, diverticules intestinaux - En, tissu endocrinoïde
(©A.Lopez, C.H.)

4-8 - Le  tissu folliculaire endocrinoïde abdominal    

Au voisinage immédiat des glandes agrégées et ampullacées des Mastophora ainsi d'ailleurs que de Celaenia et Poecilopachys, il existe un tissu très particulier, d’aspect glandulaire mais sans canaux excréteurs, entouré d'hémolymphe, ne contractant que des rapports de contiguïté avec l’appareil séricigène et les diverticules chylentériques. Il est réduit chez le mâle de Mastophora (Fig.22,23), bien plus développé chez les femelles immatures du même genre (Fig.24,25) et atteint un volume considérable lorsqu’elles deviennent adultes (Fig.26 à 28).

4-8-a -  Histologie

Dans tous les cas, ses cellules sont bien individualisées, de tailles et de forme assez constante globuleuse, polyédrique, cuboïdale ou même conique. Leur cytoplasme est acidophile, finement grenu, parfois criblé de très petites vacuoles. Leur noyau est arrondi, clair, nucléolé, riche en chromatine bien visible. Elles se réunissent en petits massifs et cordons peu sinueux, arrondis dans les coupes transversales, compacts ou montrant souvent une cavité axiale très étroite, presque virtuelle et qui n’est pas une vraie lumière (Fig.23). Ces groupements de cellules sont assez peu nombreux, bien isolés les uns des autres, de taille relativement grande chez les immatures (Fig.23,24), en quantité beaucoup plus grande, tassés les uns contre les autres et plus petits chez les femelles adultes (Fig.25 à 27).

Ils se présentent comme des structures sacciformes collabées, entièrement closes, dépourvues de toute structure canalaire, baignées directement par l’hémolymphe. Un tel ensemble de caractères est très évocateur de leur nature «endocrinienne» et n’est pas sans évoquer les follicules (vésicules) thyroidiens de Vertébrés. Faute d’une meilleure appellation, le tissu peut donc être qualifié, selon Lopez (1998), de "folliculaire endocrinoïde". Il s’insinue entre les organes voisins, notamment les lobes des agrégées et les diverticules chylentériques (Fig.24) qui semblent d’ailleurs les déformer par compression. De plus, il tend à se répartir en quatre amas : deux ventraux, paramédians, situés un peu en arrière du niveau des phyllotrachées (poumons) et deux latéro-dorsaux, très externes. Les amas sont seulement accolés aux glandes séricigènes agrégées et entourent l’origine de leurs canaux excréteurs (Fig.24, 26), sans solution de continuité. Le tissu folliculaire endocrinoïde du mâle de Mastophora cornigera se limite à deux petits massifs cellulaires symétriques pouvant montrer quelques signes de dégénérescence : condensation ou vacuolisation exagérées du cytoplasme, pycnose nucléaire (Fig.22,23)

 

Mastophora 22
Mastophora 23
Mastophora  24
Mastophora 25
Fig.22 - Mastophora cornigera, mâle : ilôt de tissu folliculaire endocrinoïde.
Fig.23 - Mastophora cornigera, même mâle : autre ilôt de tissu folliculaire endocrinoïde
 (photo noir et blanc)
Fig.24 - Mastophora cornigera, femelle immature : Emplacement du tissu endocrinoïde dans une vue partielle d'abdomen. Fig.25 - Mastophora cornigera, femelle immature, tissu endocrinoïde.
C, canal de glande agrégée - Cy, cytoplasmes de cellules endocrinoïdes - E, tissu endocrinoïde - D, diverticule intestinal -G, cellules à guanine - L, cavité ("lumière") centrale - N, noyaux de cellulesendocrinoïdes   S, glande à soie - Flèche : cavité centrale (©A.Lopez, C.H.).


Mastophora 26b
Mastophora 27
Mastophora 28
Fig.26 - Mastophora cornigera femelle adulte : vue trés partielle d'une coupe d'abdomen. Fig.27 - Mastophora cornigera, femelle adulte.Détails (cellules) du tissu endocrinoïde. Fig. 28 - Mastophora cornigera, femelle adulte. Autres détails (cellules) du tissu endocrinoïde.
A, corps de glandes agrégées - C, canal excréteur - N, noyaux des cellules endocrinoïdes disposées en ilôts juxtaposés - Te, tissu endocrinoïde folliculaire - V, vaisseaux. Les flèches désignent des cavités (©A.Lopez, C.H.)

 

4-8-b - Ultrastructure

 Elle n'a été étudiée (sommairement) par Lopez que chez Mastophora bisaccata. Les amas cellulaires sont entourés par une lame basale mince formée d’un matériel finement granuleux (Fig.30). Il semble exister une discrète polarité cellulaire, notamment dans les amas « évidés » en leur centre car le plasmalemme tend à former des invaginations intracytoplasmiques au-dessus de la lame basale. Le noyau, clair et arrondi, renferme de la chromatine dispersée dans son nucléoplasme et formant  aussi de grosses mottes marginales. Le réticulum endoplasmique est remarquablement développé, lisse, et se compose  de cisternae pouvant se dilater en chapelets vésiculaire. Les autres organites  sub-cellulaires sont des mitochondries allongées pouvant présenter des crêtes tubulaires, des dictyosomes, de petits lysosomes, des polysomes et des microtubules épars (Fig.29,30).


Mastophora 29
Mastophora 30
 Fig.29 - Mastophora bisaccata femelle, cellules endocrinoïdes: organites subcellulaires Fig.30 - Mastophora, la même, tissu endocrinoïde : détails des organites
B, lame basale - L, lysosomes - M, mitochondries à crêtes tubulaires - P, plasmalemme - R, réticulum lisse très développé (©A.Lopez, M.E.T).


5 - Commentaires
 

5-1 - Considérations anatomo-physiologiques

5-1-a - Appareil génital

  L’appareil génital du mâle de Mastophora (probablement aussi de Celaenia) est remarquable par les spermatozoïdes encapsulés typiques qu’il contient avant même la sortie du cocon (Fig. 16 à 18). Ainsi se trouve confirmée la maturité sexuelle précoce des Mastophorinae, phénomène exceptionnel chez les Araignées. L’induction spermatique doit se produire elle aussi très tôt, non pas dans le cocon, où le mâle trop «à l’étroit» ne peut en principe effectuer une telle manœuvre, mais dans les heures suivant l’émergence et la dispersion. Devenu libre de ses mouvements, il peut alors tisser une toile spermatique dont l’existence est indirectement prouvée par les glandes épigastriques . Etant donné que les femelles deviennent adultes et réceptives bien après les mâles, il se confirme que ces derniers doivent vivre ensuite plusieurs mois et que des spermatozoïdes d’Araignées peuvent être conservés très longtemps dans les tubes séminifères (Fig.16), jusqu’à ce que la copulation soit devenue réalisable.

 5-1-b - Appareil séricigène

L'appareil séricigène de Mastophora (immatures, femelles adultes, mâles mûrs) a une composition et une structure d’ensemble qui sont typiques des Araneidae, et ne reflète donc pas la disparition de la toile orbiculaire. Les glandes flagelliformes produisent vraisemblablement les fils axiaux pelotonnés des "bolas" tandis que le grand développement des agrégées (Fig.20 et 21) assure une sécrétion de "glue" très abondante, ce qui garantit la production répétée des globules, comme chez Poecilopachys - pourvue aussi d'énormes glandes de la même catégorie (Fig.37,38) - et la mise en place des enduits visqueux centraux sur les « fils en pont » de la fausse spirale. Les glandes tubuliformes élaborent la soie des cocons ovigères globuleux à paroi rugueuse et parcheminée, pédiculisés et  pourvus parfois d'un socle les fixant sur un réseau de quelques fils tendu dans la végétation (Fig. 31)


Cocons bisaccata
Fig. 31 - Cocons de Mastophora cornigera (?)

 

En revanche, dans le même cadre des Araignées à allomones, l'appareil séricigène de Celaenia semble bien être dépourvu de glandes agrégées (Fig.35,36), ce qui explique un comportement de chasse excluant tout fil de capture. Dans aucun de ces cas, les agrégées, lorsqu’elles existent, et toutes les autres catégories glandulaires ne comportent aucune cellule spéciale qui puisse être comparée à celles des glandes botryoïdes chez Kaira alba (Lopez,1986).

5-1-c - Tube digestif

Les diverticules intestinaux ou chylentériques pénétrant dans les cornes du prosomaLévi (2003) rappelle leur présence d'après Lopez (mais pas celle de l'endocrinoïde !), sont largement ouverts dans le thoracenteron (Fig. 8 à 12,32,33), sans toutefois s'engager dans les excroissances cornues latérales (Fig.12). Il s' ensuit que les Mastophora font partie du groupe des Araneidae où cette partie toute antérieure et céphalothoracique de l'intestin est remarquablement développée (Millot,1931).

Les diverticules pourraient être impliqués dans deux manoeuvres particulières qu'effectuent les Mastophora (Hutchinson,1903 ; Eberhard,1980) ;  l'absorption des bolas inutilisés ou défectueux que l'araignée ingère afin de maintenir sa réserve hydroprotéinique ; la régurgitation d'un liquide malodorant qu' elle émet lorsqu'on l'importune et réabsorbe quand cesse la perturbation. Ledit liquide pourrait bien être le contenu des diverticules mobilisés par la contraction des muscles prosomatiques adjacents et sans rapport évident avec les guaninocytes voisins (Fig. 32,33).


Mastophora 31
Mastophora 32
Fig.32 - Mastophora cornigera, femelle adulte : coupe transversale du prosoma montrant les détails d'une corne Fig.33 -Même coupe vue en lumière polarisée "illuminant" les guaninocytes biréfringents (blancs).
C,cuticule - D, diverticule intestinal et sa lumière contenant du matériel qui pourrait être régurgité - G, guaninocytes - H, corne
(©A.Lopez, C.H.).


5-1-d - Tissu folliculaire endocrinoïde


5-1-d-a - Rapports avec la glande de mue

Le tissu folliculaire endocrinoïde abdominal est bien différent du tissu interstitiel adipoïde étroitement associé avec l’intestin (Millot, 1926), ne peut correspondre à des glandes séricigènes ébauchées ou involuées et paraît aujourd’hui ne plus pouvoir être considéré comme un simple contingent postérieur de la glande de mue (Fig.34,35), première conception erronée de Lopez (1985a) chez Mastophora,  peut être inspirée par celui des Mygalomorphes.

Découverte et décrite par Millot (1930) sous le nom de "tissu endocrine", cette dernière présente dans tout l’ordre des Araignées une stricte localisation céphalothoracique (Streble, 1966 ; Bonaric, 1980) à l’exception toutefois de certaines Mygales, dont les Liphistiidae, où on la retrouve jusque dans l’abdomen au contact des gros nerfs (Legendre, 1981 ; Legendre & Lopez,1981). Son rôle dans les mécanismes de l’ecdysis a été évoqué par Legendre (1959) qui la considère comme un homologue mésodermique de celle des Insectes, et confirmé par Bonaric (1980) qui lui a attribué son nom définitif.

Cette glande de mue (Fig.34,35) adopte dans le prosoma une disposition spatiale qui est en grande partie métamérique («organe antérieur» et «organe postérieur», «groupes latéraux») alors que le tissu folliculaire endocrinoide abdominal ne semble pas en présenter une. De plus, des examens comparatifs montrent que leurs aspects histologiques ne sont pas exactement superposables. Contrairement au tissu folliculaire de Mastophora (Fig.34), Poecilopachys (Fig.35) et les autres Araignées, les cellules de la glande de mue ont une taille assez variable et une forme plus irrégulière. Elles se groupent plutôt en rubans et en travées compactes où il n’y a pas de «lumière» ; leur association avec des néphrocytes et des hémocytes est quasi constante (Fig.34). Les caractères ultrastructuraux sont en revanche assez voisins (réticulum endoplasmique lisse développé, crêtes mitochondriales tubuleuses).


Mastophora 33
Mastophora 34
 Fig. 34- Mastophora cornigera femelle, glande de mue
 (Céphalothorax, vue trés partielle).
Fig.35- Poecilopachys australasia femelle, glande de mue
(Céphalothorax en coupe parasagittale).
 Gm, glande de mue prosomatique - Gn, gnathocoxe avec ses glandes "salivaires" - M, muscles - N, ganglions nerveux sous-oesophagiens-
Np, néphrocytes
(
©A.Lopez, C.H.).


5-1-e-b - Hypothèses fonctionnelles

Sur le plan fonctionnel, il est très possible que le tissu folliculaire endocrinoïde abdominal soit impliqué dans l’attraction et la capture de proies, le produit des régurgitations et l'’épiderme des pattes étant à exclure, du moins chez les femelles adultes. Ses relations avec la substance attractive de nature sémiochimique indiscutable autorisent deux hypothèses, la plus séduisante étant inspirée dans le cadre des Araignées à allomones par le mode d’action des ecdystéroïdes, dont on sait qu’ils sont responsables du déterminisme de la mue et de autres processus mettant en jeu la différenciation cellulaire (métamorphoses, formation des œufs) aussi bien chez les Insectes que chez les Araignées. Elle est étayée, dans le cas des Mastophora et autres Cyrtarachninae par les observations d’auteurs nord-américains tels qu’ Eberhard (1977) privilégiant le corps même de l’Araignée et excluant formellement une quelconque attraction par les produits des glandes à soie, ce qui confirme la première hypothèse de Lopez. Il s 'agit là d'un exemple type de mimétisme chimique agressif.

5-2 - Considérations phylogéniques

Ainsi qu'évoqué au début de ses observations sur les «Araignées excentriques» du nouveau Monde par Lopez (1985) et confirmé ensuite ultérieurement (Lopez, 1998), il existe une ressemblance certaine entre les Mastophora, Celaenia et Poecilopachys non seulement par leur équipement séricigène (composante agrégée«arborescente» en particulier) mais surtout, par le tissu folliculaire endocrinoïde abdominal dont elles sont pourvues, particularité majeure ignorée de Levi (2003), tout comme les glandes botryoïdes de Kaira par ce même auteur (Levi,1993).



Mastophora 36
Mastophora 37
Fig.36- Celaenia excavata, femelle : ilôt de tissu endocrinoïde, détail Les glandes agrégées sont absentes. Tubuliformes visibles.
Fig.37 -Poecilopachys australasia,  femelle : trois ilôts de tissu endocrinoïde et glandes agrégées énormes
Ag, glandes à soie agrégées -  E,tissu endocrinoïde - Tu, glandes à soie tubuliformes  (©A.Lopez, C.H.).


Eberhard (1980) dans son étude sur Mastophora dizzydeani et Robinson (1982), dans sa monographie sur les Araignées de Papouasie, avaient proposé de rattacher les Mastophoreae, les Celaenieae et les Cyrtarachneae, dont Poecilopachys, à un même groupe monophylétique.Leurs arguments, repris par Stowe (1986) n’étaient pas anatomiques mais uniquement d’ordre éthologique : prédation presque exclusive sur des Hétérocères, du moins chez les Mastophorinae ; homologie des fils «en ponts» («spanning-threads») et des «bolas», peignés avec les pattes IV lors du tissage, tous pourvus d’une glue adhésive pour les Lépidoptères ; régurgitations malodorantes et peut être répugnatoires ; flexion particulière des pattes I et II lors du repos.

Ces particularités disparates peuvent bien être considérées comme des synapomorphies mais paraissent néanmoins plus accessoires que les caractères anatomiques internes, presque toujours ignorés ou au mieux négligés. La structure fondamentale de l’appareil séricigène reste typique des Araneidae et n’est donc pas un argument formel. En revanche, le tissu folliculaire endocrinoïde se présente comme une caractéristique majeure, commune aux trois genres MastophoraCelaenia (fig.36,37), Poecilopachys et justifiant, plus que toute autre, leur appartenance à une même série évolutive. Suggéré initialement par les Robinson (1975) à propos de Pasilobus et repris ensuite par Eberhard (1980) et l’un des précédents auteurs (Robinson, 1982), ce groupement monophylétique dériverait d’ Orbitèles typiques, incluerait d’abord Poecilopachys et l’Araignée néo-guinéenne Pasilobus, réunirait ensuite les Mastophoreae à bolas (MastophoraDicrostichusCladomelea) pour s’étendre enfin aux Celaenieae qui n'en produisent pas (CelaeniaTaczanowskia). Aujourd'hui (2022), suite à divers travaux plus récents soulignant une même viscosité de la glue (Cartan & Miyashita, 2000) tous ces genres sont rattachés à la tribu des Mastophorini, partie de la curieuse sous-famille des Cyrtarachninae. Le tissu endocrinoïde, à rechercher, entre autres intermédiaires, chez Cyrtarachne et Pasilobus qui en possèdent vraisemblablement, pourrait bien être, selon A.Lopez, un caractère anatomique commun primordial mis en place par la coévolution (évolution convergente...).

Il permet la maîtrise de proies originales en les attirant avec un ou des sémiochimiques particuliers, les allomones qui miment les phéromones sexuelles de leurs femelles. On sait que par définition, une allomone (du grec ancien ἄλλος allos "autre" et phéromone), est, selon Brown et Eisner (Brown, 1968) une substance élaborée et émise par un individu d'une espèce donnée affectant le comportement d'un membre d'une autre espèce toute différente au profit du producteur mais pas du récepteur. La sécrétion du tissu endocrinoïde stimulerait l'épiderme de Mastophora libérant dès lors l'allomone.

Il est à souligner enfin que malgré une même étrangeté confinant au "fantastique", Mastophora reste complètement isolée, au sein des Araneidae d'un autre genre extraordinaire, Kaira (Araneinae), plus surprenante encore et ne peut à priori, descendre d’un même ancêtre. Bien que des proies leur soient communes (Lépidoptères, Hétérocères, Diptères) et pareillement attirées par des odeurs allomonales («mimétisme chimique agressif»), trop de caractères anatomiques et comportementaux s’opposent à un rapprochement des Mastophorinae et de Kaira. Comme le rappelle Levi (1993), ce dernier taxon est caractérisé chez le mâle par une apophyse bulbaire terminale que ne possèdent pas  les précédents ; les cocons ovigères ont superposés, dépourvus de couche externe coriace et tissés en utilisant différemment les pattes IV ; il n’existe pas de régurgitations malodorantes ; les pattes I et II ne sont pas fléchies au repos. De plus, les glandes gnathocoxales (maxillaires) (Fig.42) présentent un dimorphisme sexuel, inexistant chez Mastophora où il va de pair avec l’absence de coiffe embolique dans le bulbe copulateur.

Mastophora 39
Fig. 39 - Kaira alba mâle : coupe histologique de gnathocoxa. Les glandes "salivaires" sont les unes "classiques" (Gc) et les autres "sexuelles"(Gs), n'existant pas chez la femelle. (A.Lopez,C.H.).Comparer avec la Fig.7: Mastophora mâle.

La toile est rudimentaire mais d’un type et d’une origine absolument uniques chez les Araignées : les zigzags déposés sur sa charpente en trapèze des glandessont le produit flagelliformes et surtout, par leur enduit, de glandes agrégées extraordinairement modifiées : les glandes botryoïdes de Lopez (1986,1998,2001)


Botrioide 1
Fig. 40 - Coupe histologique de glande botryoïde (vue trés partielle).
E, épithélium à petits adénocytes -Gc, coussinet à cellules géantes (giganto-cellulaire) - S, glande à soie ampullacée . Flèches : lumière
 A.Lopez C.H.)

Les proies sont attirées chez Kaira par ce même enduit «odorant», donc par la toile et les glandes agrégées alors qu’elles sont orientées vers le corps même de l’Araignée par son tissu endocrinoïde et l’activation tégumentaire dans le cas des Mastophorini.

Pour conclure, il est regrettable que malgré son intérêt considérable sur les plans fonctionnel, phylogénique et surtout évolutif (coévolution ), le principal apport publié par A.Lopez sur l'anatomie interne de Mastophora, soit le tissu endocrinoïde abdominal ne pouvant qu'exister chez toutes les autres espèces de Mastophora (listées dans World Spider Catalog (version 21.5, 10/01/2021)  ait été "ignoré" par la plupart des zoologistes jusqu'à ce  jour de relecture (Septembre 2022). Parmi eux, citons les arachnologistes anglophones, en particulier Nord-américains, pourtant les premiers concernés puisqu'il s'agit de leur propre faune mais essentiellement orientés vers la chimie des composés volatiles, non leur origine précise (Yeargan & Quate,1996,1997; Stowe,1986 ; Hutchinson,1903).


LIENS EXTERNES

https://zims-fr.kiwix.campusafrica.gos.orange.com/wikipedia_fr_all_maxi/A/Mastophora



BIBLIOGRAPHIE

Bonaric, 1980 - Contribution à l'étude de la biologie du développement chez l'Araignée Pisaura mirabilis (Clerck, 1758). Approche physiologique des phénomènes de mue et de diapause hivernale. Thèse Doct. Sci. nat., Montpellier, p. 1-282.

Cartan & Miyashita, 2000 - Extraordinary web and silk properties of Cyrtarachne (Araneae, Araneidae): a possible link between orb-webs and bolas.  Biological Journal of the Linnean Society, vol. 71, no 2, p. 219-235.

Eberhard, 1977 -  Aggressive chemical mimicry by a bolas spider.  Science, vol. 198, no 4322, p. 1173-1175

Eberhard, 1980 - The Natural History and Behavior of the Bolas Spider, Mastophora dizzydeani sp. n. (Araneae).  Psyche, vol. 87, no 3/4, p. 143-169

Fischer, 2019 - Chemical communication in spiders – a methodological review.  Journal of Arachnology, vol. 47, p. 1–27.

 Forster,R.R. & L.M.Forster - « New Zealand Spiders : An Introduction. », Collins, Auckland.,‎ 197

Gemeno, Yeargan & Haynes, 2000- Aggressive Chemical Mimicry by the Bolas Spider Mastophora hutchinsoni: Identification and Quantification of a Major Prey's Sex Pheromone Components in the Spider's Volatile Emissions.  Journal of Chemical Ecology, vol. 26, no 5, p. 1235–1243.

Gertsch, 1947 -  Spiders that lasso their prey.  Natural History, vol. 56, no 4, p. 152-158.

Hutchinson, 1903 - A bolas-throwing spider. Scientific American, vol. 89, no 10, p. 172

Legendre, 1981  - Les éléments endocrines de la glande de mue chez les araignées mygalomorphes.  Revue arachnologique, vol. 3, p. 133-138

Legendre & Lopez, 1981  -  Observations histologiques complémentaires chez l’Araignée Liphistiomorphe Heptathela kimurai Kishida, 1923 (Liphistiidae). Atti della Societa Toscana di Scienze Naturali Memorie, sér. B, vol. 88, p. 34-44.

Levi, H. W., 1993- The orb-weaver genus Kaira (Araneae: Araneidae)" (PDF). Journal of Arachnology. 21 (3): 209–225.

Levi, 2003 - The bolas spiders of the genus Mastophora (Araneae: Araneidae). Bulletin of the Museum of Comparative Zoology. Zoology, vol. 157, no 5, p. 309-382

Lopez & Kovoor, 1982 -Anatomie et histologie des glandes séricigènes des Cyrtophora (Araneae, Araneidae) : affinités et corrélations avec la structure et la composition de la toile.  Revue Arachnologique, vol. 4, p. 1-21.

Lopez & Stowe, 1985 - Observations sur quelques Araignées excentriques du Nouveau Monde et leurs glandes à soie.  Bulletin de la Société d'étude des sciences naturelles de Béziers, vol. 10, no 51, p. 16-23.

Lopez, Stowe & Bonaric, 1985 - Anatomie interne de l’ «Araignée à bolas » nord-américaine Mastophora cornigera (Hentz, 1850) (Araneae : Araneidae) après sa sortie du cocon.  Publications scientifiques accélérées, no 8, p. 1–9.

Lopez, Juberthie-Jupeau & Stowe, 1986 - L’appareil séricigène de Kaira alba (Hentz). » Mémoires de la Société entomologique de Belgique, vol. 33, p. 119-128.

Lopez, 1998  -  L’origine des odeurs attractives de Papillons et de Diptères mâles chez certaines Araignées exotiques (genres Kaira, Mastophora et Celaenia : Araneidae) : une approche histologique. » Bulletin de la Société d'étude des sciences naturelles de Béziers, vol. 17, no 58, p. 9-24.

Lopez, A. - 2001 : Un prédateur de Papillons nocturnes extraordinaire : l’Araignée Kaira alba (Hentz) et ses glandes à soie. Alexanor, vol. 21, p. 195-201

Millot, 1930 - Le tissu réticulé du céphalothorax des Araneides et ses dérivés : néphrocytes et cellules endocrines.  Archives d'anatomie microscopique, vol. 26, no 1, p. 43-81

Millot, 1931 - Les diverticules intestinaux du céphalothorax chez les Araignées vraies. Zeitschrift für Morphologie und Ökologie der Tiere, vol. 21, no 3/4, p. 740-764.

Noirot & Quennedey, 2003 - Fine Structure of Insect Epidermal Glands. » Annual Review of Entomology, vol. 19, no 1, p. 61-80.

 Robinson & Robinson, 1975 - Evolution beyond the orb web: the web of the araneid spider Pasilobus sp., its structure, operation and construction. » Zoological Journal of the Linnean Society, vol. 56, no 4, p. 301-314.

Robinson, 1982 - The ecology and biogeography of spiders in Papua New Guinea.  Monographiae Biologicae, vol. 42, p. 557–581.

Steinbrecht, R.A., 1964 - Struktur und Aktivitat Des Sexuallockorgans Des Seidenspinnerweibchens, Bombyx Mori L. Numéro 71 de Inaugural-Dissertation, Universität München Naturwissenschaftliche Fakultat, 261 pp

Stowe, 1986 - Prey specialization in the Araneidae in Shear, Spiders: webs, behavior and evolution, Stanford University Press, p. 101-131.

Streble, 1966 - Untersuchungen über das hormonale System der Spinnentiere (Chelicerata) unter besonderer Berücksichtigung des «endokrinen Gewebes» der Spinnen (Araneae). » Zoologische Jahrbücher. Physiologie, vol. 72, p. 157-234.

Yeargan & Quate, 1996 - Juvenile bolas spiders attract psychodid flies. » Oecologia, vol. 106, no 2, p. 266–271.

Yeargan & Quate, 1997 - Adult male bolas spiders retain juvenile hunting tactics. » Oecologia, vol. 112, no 4, p. 572-576.



"ARAIGNEES"