glande acronale



    
Glande  clypéale ou  acronale  des  Argyrodes
et autres Argyrodinae mâles


ANATOMIE ET COMPORTEMENT  DES  ARAIGNEES : VINGT-CINQ  ANS  DE  RECHERCHES
(version 2023)

Par André LOPEZ, auteur

                                                                        


Les Araignées Theridiidae mâles  du genre Argyrodes possèdent une glande exocrine remarquable située au niveau du clypeus (bandeau), donc dans la   partie la plus antérieure du corps ou acron et élaborant une sécrétion qui  intervient lors de l'accouplement. Elle est probablement présente aussi dans les autres genres d' Argyrodinae


         

Couleurs conventionnelles :
      En noir et italiques, termes anatomiques ; en violet,, noms génériques et spécifiques ; en vert, noms de familles et sous-familles ; en orange,, parties les plus importantes et résumés; en bleu, liens divers.

Abréviations conventionnelles :
M.E.B. :
(photographie en) microscopie électronique à balayage
M.E.T. : (photographie en) microscopie électronique à transmission
C.H. : coupe histologique (microscopie photonique)


1 - Introduction

2 - Le dimorphisme sexuel prosomatique acronal
      2-1 Morphotypes
          2-1-1 Les Types
             Type acuminé
            
Type rostré
             Type nasuté
             Type lippu

                Type prognathe
                Type camard
             2-1-2  Les reliefs tégumentaires
3 - La glande acronale sous-jacente
    3-1 - Structure histologique
    3-2 - Ultrastructure
            3-2-1 - Unité glandulaire 
                       3-2-1a - Adénocyte

                             3-2-1b - Portion réceptrice (canalicule récepteur)
                       3-2-1c - Portion conductrice (canalicules conducteurs et leurs cellules)
4 - Commentaires
     4-1- Sur le plan anatomique
     4-2- Sur le plan fonctionnel
     4-3 - Sur le plan systématique
             4-3-a - Cas des Argyrodinae
             4-3-b- Hors des Theridiidae : Linyphiidae

1 - Introduction

       Le clypéus des Araignées est un territoire plus ou moins étendu correspondant à la partie toute antérieure de la face dorsale du prosoma (“ carapace ” ou  “ bouclier ”) (Fig.1).

Encore appelé “ bandeau ”, il  sépare les yeux du bord frontal (B) surplombant les chélicères. On peut considérer qu’il fait partie de l’acron : région “acronienne” ou céphalique primaire  prébuccale.



Clypeus microdipaena  
Fig.1 - Clypeus ou bandeau (C) particulièrement développé chez une Microdipoena  (Mysmenidae) de Mahé, Seychelles
B, bord frontal - C, clypeus - Ch, chélicères - O, groupe oculaire
 
A.Lopez M.E.B.)


         Chez les mâles de certaines Araignées (Theridiidae du genre Argyrodes et Thymoites, Linyphiidae Erigoninae), il est en relation profonde avec un épiderme dont les cellules se sont différenciées en organes tégumentaires sécréteurs  plus ou moins complexes, les glandes dites initialement clypéales.
Le même nom leur a été attribué à tort et par extrapolation par  Taylor et Blest (2009) chez des Araignées Linyphiidae du genre Mynoglenes où elles sont en fait bilatérales, bas situées et surtout sous-oculaires (Fig.2).  Leur ultrastructure est en outre
fort différente.



Mynoglenes
Fig.2 - Vue de face ou frontale d'une Araignée Mynoglenes mâle de la Réunion.
B, bord frontal - C, clypéus - Ch, tiges chélicériennes -G, orifices des glandes dites "clypéales", en fait sous-oculaires - O, région oculaire
 
A.Lopez M.E.B.)

 


         L'auteur, André Lopez, l'a découverte
chez les Argyrodes il y a donc aujourd'hui (2023) près de 50 ans,  en examinant  les coupes histologiques de l'une d'entre elles, Argyrodes zonatus (Walck.), récoltée à Madagascar (Dr.Rakotondrainibe), retrouvée ultérieurement dans la même île ainsi qu'à la Réunion (Lopez,1990) et à Mayotte (Lopez, 2010) respectivement sur des toiles de Nephila  inaurata  et  comorana, superbes Aranéides tropicales  françaises.

Les Argyrodes sensu stricto sont si intéressantes par leur comportement et d'autres caractères anatomiques qu'ils sont présentés en détail dans un  article du site dédié  spécialement au genre et à ses divers hôtes, en particulier les Nephiles (Nephila et Trichonephila).


La  glande clypéale, organe prosomatique insolite, est propre aux mâles du genre Argyrodes, sans équivalent chez leurs femelles et remarquable par sa localisation (Lopez,1974a ; Lopez, 1977b).

Il siège en effet dans la région "céphalique" du corps de l' Argyrodes mâle,  plus précisement dans la partie antéro-supérieure du prosoma où ses rapports avec le clypeus avaient d'abord inspiré à Lopez et Legendre (1974) son premier nom de “glande clypéale”,  consacré jusqu’ici par l’usage et étendu outrancièrement à d’autres familles d’Araignées.

En fait, cette appellation globale ne paraît plus justifiée à l'auteur car chez certaines espèces du type “acuminé” , la glande n’a plus, au moins en partie, de relation directe avec le “ bandeau ”. Mieux vaut donc rattacher l’organe à l’acron et le désigner sous un nouveau nom :  glande acronale.

Sa présence est étroitement liée à celle d’un dimorphisme sexuel prosomatique acronal très marqué.


2 - Le Dimorphisme sexuel prosomatique acronal


        Ce dernier est déjà utilisé dans la classification puisque certains auteurs (Pickard-Cambridge, Exline & Levi,1962 ;  Chrysanthus) ont eu recours aux détails du céphalothorax des mâles dans un but systématique.

Le prosoma des femelles a un aspect banal et assez uniforme (Fig.3).

                                                                              

                                                                    

Argyrodes femelle 1 
  Argyrodes femelle  2
 Fig. 3 -  Argyrodes  femelles : A, patte ambulatoire - C, clypeus d'aspect banal - Ch, chélicère - O, oeil - P, pédipalpe A.Lopez M.E.B.)



En revanche, celui des mâles présente une morphologie extraordinaire bien visible au M.E.B. dans sa région acronale. Associant des saillies, bosses  ou protubérances et des dépressions, échancrures ou sillons, cette anatomie réalise en quelque sorte une “galerie des monstres” tant elle est surprenante et peut même “choquer” par sa présentation comparative chez diverses espèces.

Suivant l’aspect général et la disposition de ces reliefs, l'auteur avait proposé initialement de rattacher les mâles d’ Argyrodes à quatre types morphologiques bien distincts, du moins chez les espèces alors connues : types “nasuté”, “rostré”, “lippu” ou “prognathe”et “camard” (Lopez, 1977b; Lopez, 1979).


2 -1    En fait, une nouvelle classification, comportant cette fois 6 morphotypes,  paraît plus appropriée à l'auteur. Tous montrent des
reliefs accessoires, des poils et surtout les orifices ou pores excréteurs de la glande acronale.

2 -1- Les Types

Le nouveau type dit aujourd'hui acuminé se caractérise par une protubérance unique droite ou procurvée, en "tourelle" ou en "cimier", surplombant le groupe oculaire et inclut ainsi des espèces telles qu’ Argyrodes cognatus (Seychelles) (Fig.3,4) et A.projiciens (Amérique tropicale) (Fig.5).
                                                                                            

Argyrodes cognatus 1 
Argyrodes cognatus 3 
Argyrodes cognatus 2 
argyrodes projiciens 
Fig. 3 - Argyrodes cognatus vue latérale gauche
Fig.4 - Argyrodes cognatus vue frontale. Ensemble et détail
Fig.5- A. projiciens
Argyrodes mâles  :  C,  clypeus - Ch, chélicères - O, yeux -  P, protubérance sus-oculaire en "tourelle"(Fig.3,4) ou en "cimier" (Fig.5) (©  A.Lopez M.E.B.)
Fig. 5 : en fait, Rhomphaea projiciens

                                                                                                                                                                               

Le type 2 ja appelé rostré (Fig.6,7) convient mieux aux mâles dont le clypeus est divisé en deux projections  par une échancrure (E) : la protubérance oculaire (Po) et la bosse frontale (Bf), cette dernière évoquant effectivement un rostre ; il concerne une majorité d’espèces, d’abord rattachées au “ nasuté ”, notamment  Argyrodes elevatus, de Guadeloupe  (Fig.6), A.zonatus, de Madagascar et autres îles de l' Océan indien (Fig.7), A.nephilae, de Guadeloupe (Fig.8), A.rostratus nephilae, des Seychelles (Fig.9) et  le taxon cosmotropical  A. argyrodes (Fig.22)

                                                                                                                                                          

Argyrodes elevatus 1  
Argyrodes zonatus
Fig.6 - Argyrodes elevatus, vue latérale gauche
Fig.7 - Argyrodes zonatus, vue latérale gauche
Argyrodes mâles : Bf, bosse frontale - E et flèches, échancrure  - H, poils - O, oeil - P, pédipalpe - Po, protubérance oculaire
(©  A.Lopez M.E.B.)




Argyrodes nephilae
Argyreodes rostratus nephila 
Fig. 8 - Argyrodes nephilae vue latérale gauche Fig.9 - A.  rostratus  nephilae, idem.
Argyrodes  mâles :  Bf, bosse frontale - E et flèches, échancrure - H, poils  - O, oeil - Po, protubérance oculaire
(©  A.Lopez M.E.B.)


     
Le type 3 dit nasuté paraît  devoir être réservé à Argyrodes nasutus Pick.Cambr., de Ceylan, dont la bosse frontale se dispose en une sorte de “ nez ” caricatural (Fig.10 : Bf ) ainsi qu'à Argyrodes borbonicus et A.chounguii Lopez, nouvelles espèce, respectivement de la Réunion (Fig.11 à 14) et de Mayotte .https://fr.wikipedia.org/wiki/Argyrodes_chounguii
(fig.2)



Argyrodes nasutus 



  Argyrodes borbonicus
Fig. 10 - Argyrodes  nasutus, vue latérale gauche  
Fig. 11 - Argyrodes  borbonicusvue latérale droite des palpes et du prosoma
Argyrodes  mâles :  Bf, bosse frontale - H, poils - O, yeux - Ol, oeil latéral -  P, pédipalpe - Po, protubérance oculaire
 
(©  A.Lopez M.E.B.)


Argyrodes borbonicus 2
 
Argyrodes borbonicus 3 
 Argyrodes borbonicus 4
Fig.12 -Même Argyrodes, vue frontale Fig.13 -Le même, vue latéro-supérieure gauche Fig.14-  Le même, vue supérieure ou dorsale
Argyrodes borbonicus : Bf, bosse frontale - C, clypéus - Ch, chélicère - H, touffe de poils - O, yeux - Ol, yeux latéraux - P, pédipalpe - Po, protubérance oculaire
(©  A.Lopez M.E.B.)

          

Le type lippu (Fig. 14,15) est caractérisé par une forte “bosse clypéale" surplombant les chélicères comme une lèvre inférieure éversée. Cette saillie forme la berge antérieure  d'un sillon (S) que garnissent des poils. Il se rencontre chez A. amplifrons ( Fig. 15, 23) et  Argyrodes ululans (Fig.16), de Guyane française.

                  
                                                               

Argyrodes amplifrons 1 
Argyrodes ululans 
Fig.15 - Argyrodes  amplifrons , vue latérale droite
Fig. 16 - Argyrodes  ululans,  vue  latérale gauche
Argyrodes  mâles  guyanais - C, clypéus - Ch, chélicères - O, yeux ( antérieurs, supérieurs) - Ol, yeux latéraux.  S, flèche rouge, sillon. Flèches jaunes :  "chicots"  (©  A.Lopez M.E.B.)



    Le type prognathe paraît propre à certaines autres espèces sud-américaines : Argyrodes benedicti Lopez, également de Guyane française (Fig.18,19), A.cochleaforma (Fig.17), A. sullana, A.atopus,et A. proboscifer., schématisées par Exline & Levi (1962) sans en rechercher, faute d'histologie, la signification anatomique profonde (Note 1). Le clypeus saille très fortement au-dessus des tiges chélicériennes (Ch), tel une mandibule, cette protubérance (P), plus ou moins incurvée, étant creusée d’une fossette poilue (F) et pouvant avoir un aspect en “cuillère” (Fig.17)

                                                                                                                     

Argyrodes cochleaforma 
Argyrodes benedicti 
Argyrodes benedicti 2
Fig.17 - Argyrodes  cochleaforma , vue antéro-latérale gauche 
Fig.18 - Argyrodes  benedicti, vue antérieure
Fig.19 - Le même, vue latérale gauche
Argyrodes  mâles  : Ch, chélicère - F, fossette - O, yeux  - P, palpe - Pr, protubérance en "mandibule". Les flèches soulignent les fossettes (©  A.Lopez M.E.B.)


le type camard (par exemple Argyrodes caudatus (Fig.20,21) et A.cancellatus, tous deux des Antilles françaises, est caractérisé par l’absence de projections ; il montre un clypeus (C) peu saillant, haut, presque droit et parait donc aplati, comme “écrasé”, si on le compare aux types précédents ;  l’échancrure est remplacée par deux sillons transversaux symétriques (S) étroits, presque “fermés” et n’apparaissant bien que lorsqu’on examine l’animal de face ou presque.             

                                                    


Argyrodes caudatus 2 
Argyrodes caudatus 1 
Fig.20 - Argyrodes caudatus, vue antérieure  Fig.21 -Le même, vue antéro-latérale gauche
Argyrodes  mâle  : C, clypeus - Ch, chélicères - O, yeux  - S, sillons. Les flèches soulignent les sillons
 (©  A.Lopez M.E.B.)  


          2 -1- Les Reliefs tégumentaires


De plus, l’étude au M.E.B. (Lopez,1979) montre l’aspect du tégument (lisse ou garni de reliefs en “écailles”) et l’existence de saillies accessoires plus ou moins tronconiques (Fig.22,24), en cônes bas tronqués dans le cas de l'espèce princeps cosmopolite Argyrodes argyrodes (Fig.22,24)  ou en "chicots" chez Argyrodes amplifrons de Guyane (Fig.15, 23),  tendant à fermer l'échancrure ou le  sillon.

 Argyrodes argyrodes
Argyrodes amplifrons 2 
Fig.22 - Argyrodes argyrodes, vue latérale  gauche
Fig.23 - Argyrodes amplifrons, vue frontale
Argyrodes  mâles : BF, bosse frontale - E, échancrure - H, poils -  O, yeux  - Po, protubérance oculaire - S, sillons. 
Les flèches jaunes désignent les saillies accessoires (©  A.Lopez M.E.B.)


Elle met aussi en évidence la structure des poils (sillons, spinules…) et  surtout, ce qui est le plus important, l’existence d’orifices (Fig.24,25).


Argyrodes argyrodes 2 
Argyrodes projiciens 2
Fig.24 - Argyrodes argyrodes, dessus de la bosse frontale
Fig.24 - Argyrodes projiciens, dessus du "cimier" sus-oculaire
Argyrodes mâles : H, poils - P, groupes de pores.  Flèches jaunes, saillies accessoires, et  rouges, pores
 (©  A.Lopez M.E.B.)

Fig. 24 : en fait, Rhomphaea projiciens




Ces derniers sont béants, sans  bourrelet complet, parfois circonscrits par deux lèvres, non surélevés, le plus souvent de niveau avec la surface tégumentaire, rarement dans le fond  de fentes étroites en  “ boutonnières ”(Argyrodes fissifrontella, Seychelles) . Ils peuvent être dispersés sans ordre apparent (type acuminé) ou réunis en deux groupes de 2 à 5 orifices chacun, symétriques par rapport au plan sagittal (type rostré). Dans tous les cas, ils sont nettement séparés des poils, y compris chez l’espèce néozélandaise Argyrodes antipodiana .Ils ne s’ouvrent pas dans leur alvéole basale, bien que Whitehouse (1987) affirme le contraire par manque d’étude histologique ("Male Argyrodes antipodiana secrete a substance onto cephalothoracic protrusions ("knobs").The substance apparently seeps out  at the bases of hairs situated on the knobs, then proceeds to cover the hairs"). (Note 1)

Ils sont les pores excréteurs d’un organe glandulaire sous-jacent remarquable, déjà perceptible par transparence dans des céphalothorax éclaircis artificiellement (Fig.25).     
                                   
Argyrodes argyrodes 4  
Argyrodes argyrodes 3  
Fig.25 - Céphalothorax d'un Argyrodes argyrodes mâle (Tunisie) éclairci au salicylate de méthyle.
Bf, bosse frontale avec ses poils - E, échancrure - G, glande acronale  vue par transparence
  Po, protubérance oculaire -  S, saillie accessoire. Flèches : contours de la glande. Elles jalonnent le  pourtour de cette dernière qui n'apparait bien qu'à droite après variation de la mise au point (préparations A.Lopez).
                                                                                                           


3- La glande acronale sous-jacente

          Sa connaissance est fondée sur les études histologiques et surtout sur les recherches électronomicroscopiques (Lopez, 1980a : Argyrodes argyrodes de type “rostré” ;  Lopez,1980b : Argyrodes cognatus, de type “acuminé") effectuées essentiellement au Laboratoire souterrain du CNRS (Note 2).

Elles en montrent respectivement la structure d’ensemble et la structure fine de l’unité glandulaire.

3.1- Structure histologique

        Dans les types “rostré” (Argyrodes argyrodes, A. zonatus, A.elevatus, A.nephilae) (Fig.26 à 29), "lippu" (Argyrodes ululans) (Fig.30) et “camard (Argyrodes caudatus, A.cancellatus)(Fig.31), un canal collecteur principal aboutit à chacun des pores. Il résulte de la confluence de canalicules excréteurs de 2eme ordre ; ces derniers sont eux-mêmes formés par l’union de canalicules excréteurs de 1er ordre, chacun drainant une cellule sécrétrice ou adénocyte et constituant avec elle l’unité glandulaire . Les canaux excréteurs de tous ordres sont entourés par des cellules canalaires. L’ ensemble de tous ces canaux constitue un appareil cuticulaire s’étendant des portions réceptrices aux pores de surface.

Les adénocytes se groupent par 5 ou 6 en un petit lobule assez bien individualisé (Fig.27) que l'auteur avait d’abord interprété (à tort !) comme des acini à lumière virtuelle rappelant ceux des glandes salivaires gnathocoxales (Lopez,1974a).

         L'ensemble des lobules constitue l’un des deux massifs compacts incurvés (Fig.26)ou des cordons sinueux (Fig.32,33) dont est formée la glande (Lopez,1974a ; Lopez,1977 ; Lopez,1979).
 Chaque massif ou cordon d'
adénocytes aboutit donc séparément à l’un des deux groupes de pores du  sillon ou échancrure par le système des canaux interposés (glandes “ arborescentes ”).


Clypéale zonatus 1
Clypéale zonatus 2 
Clypéale elevatus 
Fig.26 - Argyrodes zonatus  Fig.27 - Argyrodes  zonatus, coupe voisine.
Détail

Fig.28 - Argyrodes elevatus

Glandes acronales d' Argyrodes mâles, coupes parasagittales du prosoma.
 C, chélicère - G, massif glandulaire incurvé - M, gnathocoxe - O, oeil - S, échancrure clypéale  (©  A.Lopez C.H.) 

Clypéale nephilae 
Clypéale ululans 
Clypéale caudatus 
Fig.29 - Argyrodes nephilae
Fig.30 - Argyrodes ululans
Fig.31 - Argyrodes caudatus
Glandes acronales d' Argyrodes mâles, coupes sagittales et parasagittales du prosoma. 
C : chélicère - G, massif glandulaire compact ou en cordons - M, gnathocoxe - O, oeil - R, rostre - S, échancrure ou sillon du clypéus A.Lopez C.H.) 


Caudatus, détails 1
Caudatus, détails 2
Fig.32 - Argyrodes caudatus
Fig.33 - Argyrodes caudatus
Glande acronale d' Argyrodes caudatus mâle. A,adénocytes - Cc, cellules canaliculaires - C,  canal excréteur d'un cordon.
H, hémocytes A.Lopez C.H.)

             

    Toutefois, chez l’espèce Argyrodes fissifrontella (Seychelles), de morphotype rostré, l’ensemble de l’organe ne paraît pas bilobé mais impair (Fig.34,35) ; ses unités glandulaires sont isolées ou en lobules lâches ; leurs canaux ne forment pas un système ramifié mais restent indépendants comme dans le type suivant (“acuminé”) ; de plus, leurs terminaisons ne se limitent pas à la bosse frontale mais s’ouvrent également sur la protubérance oculaire (Fig.35) (Lopez,1981).

                     

 

 Argyrodes fissifronte
Clypeale fissifronte 2 
Fig.34 - A. fissifrontella, coupe sagittale Fig.35 - A. fissifrontella, coupe en travers
Glande acronale d' Argyrodes fissifrontella  mâle,  coupes sagittale et transversale
                         Bf, bosse frontale - G, massif glandulaire - O, oeil - Po, protubérance oculaire - S, échancrure                       clypéale (©  A.Lopez C.H.)                             


Dans le type “acuminé” (Argyrodes cognatus) un massif glandulaire également impair occupe la protubérance sus-oculaire en "tourelle" (“turret gland”) et se prolonge en “languette” sous le tégument clypéal  (Fig.36, 37).Il est formé  par des unités juxtaposées bien séparées ou à disposition lobulaire peu marquée, chacune d’elles comprenant un adénocyte, une seule cellule canalaire et un canal excréteur de 1er ordre, aboutissant directement à un pore, parfois après s’être fusionné avec un voisin juste avant cette terminaison. Comme chez A.fissifrontella, il n’existe  pas de système excréteur ramifié (glandes “simples”).



Acronale cognatus 1 
Acronle cognatus 2 
 Acronale cognatus 3
Fig.36 - Argyrodes cognatus, coupe sagittale
Fig.37 - Argyrodes cognatus, coupe sagittale, détail
Fig.38- Argyrodes cognatus, coupe transversale
Glande acronale d' Argyrodes cognatus mâle en coupes sagittales et transversale. A, adénocytes des unités - C, clypéus - Cu, cuticule - G1, massif glandulaire de la "tourelle" - G2, languette clypéale  - Gv, glande à venin - M, muscle - O, oeil - P, protubérance sus-oculaire ("tourelle") -
S, sinus sanguin (©  A.Lopez C.H.)

3.2- Ultrastructure


3.2.1- Unité glandulaire


    Elle représente une structure anatomo-fonctionnelle de base, autonome, bien individualisée, constituée par une cellule glandulaire ou adénocyte et son canalicule excréteur de 1er ordre ou canalicule conducteur (Schéma).

       


SCHEMA

 schéma acronale
Schéma - Unité glandulaire d'Argyrodes argyrodes  que flanquent deux unités voisines et la totalité de son appareil cuticulaire
Cc, cellules canalaires - Cd, canal excréteur principal - Ed, épiderme - Ep, épicuticule - En, endocuticule - Ex, cavité extracellulaire - G, golgi - Mt, mitochondrie -  Mv, microvilli - R, réticulum granulaire - Rd, canalicule récepteur - Sd, sécrétion dense - Sg, sécrétion granuleuse - 1 et 2, canalicules excréteurs de 1er et 2eme ordre.


     3
33-2-1a  Adénocyte ou cellule glandulaire


L’adénocyte est pyramidal ou piriforme, long en moyenne de 65 µm, pourvu d’un noyau vésiculeux généralement basal, n’excédant pas 9 µm, et d’ un cytoplasme assez compact et basophile en périphérie, d’aspect vacuolisé et spongieux dans la majeure partie de son étendue, sans sécrétion figurée. Il renferme un canalicule axial surtout visible en coupe transversale, et qu’entoure une zone arrondie en “réservoir” acidophile, faiblement PAS +.
       Il est enveloppé par une gaine de lame basale le séparant du sinus hémolymphatique adjacent.
Sa membrane plasmique ne présente pas de dispositifs (replis) en augmentant la surface au niveau du pôle externe (basal), qui est régulièrement arrondi, et des faces latérales, qui sont à peu près planes. En revanche, elle pénêtre trés profondément dans le pôle apical qui présente ainsi une invagination de
l'espace extracellulaire en "cul de sac ” ou “doigt de gant”. Ce “réservoir” occupe en longueur la moitié de l’adénocyte, est sinueux,  bordé par des microvillosités (considérées d’abord à tort comme des canaux intra-cytoplasmiques ! : Lopez,1975) et renferme un canalicule récepteur en position axiale (Schéma, Fig.41,42,43). Les microvillosités (Fig.37 à 40) sont courtes et espacées près de l’apex, plus longues, plus nombreuses et resserrées dans sa partie distale, présentent des flexuosités et sont soutenues par du cytosquelette (quelques microtubules, surtout des filaments d’actine réunis en faisceaux qui s'ancrent sur une densification apicale).                

Le noyau est plus ou moins déformé par les grains de sécrétion, renferme un nucléole volumineux et une chromatine finement grenue, dispersée, ou réunie en petites mottes éparses.
     Les organites subcellulaires sont des mitochondries ovoïdes dispersées dans le hyaloplasme, des ribosomes remarquablement nombreux et surtout, un 
réticulum endoplasmique  extrêmement développé et de type rugueux. Il se présente sous la forme de tubules  irréguliers, surtout localisés en périphérie, au voisinage du plasmalemme, et de citernes, très variables dans leur aspect et leurs dimensions, occupant surtout le reste de la cellule. Les empilements membranaires (“dictyosomes”) qui caractérisent en général un appareil de Golgi typique paraissent absents.
     En revanche, une sécrétion abondante est élaborée dans certains adénocytes. Elle se présente  sous la forme de grains (Fig.37,39) contenus dans des vésicules semblant issues du réticulum qui les entoure : les unes renferment un matériel peu dense, floculant, irrégulier et grossissent par confluence ; les autres, non coalescentes, ont un contenu plus opaque, homogène et subsphérique (Fig.37). Les mêmes vésicules peuvent fusionner et extrudent leur contenu entre les bases des microvillosités. Cette substance, finement grenue, pénètre ainsi dans l' espace extracellulaire, autour du canalicule récepteur (Schéma).

                        

Organites Argyrodes 
Fig.39 - Adénocyte de glande acronale et son canalicule récepteur.
Glande acronale d' Argyrodes argyrodes mâle
Dr, canalicule récepteur (deux sections) - M, mitochondrie - Mv, microvilli - S, sécrétion en grains
 
(©  A.Lopez M.E.T.) 


Organites Argyrodes 2 
Fig.40 - Adénocyte de glande acronale : organites.
Glande acronale d' Argyrodes argyrodes mâle
B, basale - M, mitochondries - Rg, réticulum granuleux - S, grains de sécrétion  (©  A.Lopez M.E.T.)





3.2.1.b-
Canalicule récepteur (portion réceptrice)

     Il présente une lumière de 0,5 µ de diamètre et une paroi (épaisseur : 0,2 à 0,3 µ) comprenant deux couches : couche interne entourant la lumière, relativement homogène, perforée, et couche externe plus épaisse, lâche, d’aspect vermiculé, formée par des strates discontinues grossièrement concentriques se disposant en “ filtre ”(sieve) (Fig.39,40). Le matériel sécrétoire finement grenu ayant gagné l' espace extracellulaire se retrouve dans les interstices de ce filtre,  puis rejoint la lumière par les pores de la couche interne et s’y accumule.
     Le canalicule récepteur entouré par les microvillosités correspond à un “appareil terminal” (“end apparatus”) typique (Schéma, Fig.39).
Il s’abouche à la portion conductrice
qui est dans son prolongement direct.


 Argyrodes endappara
Argyrodes end appara 
Argyrodes recepteur 
Fig.41 - Canalicules récepteurs en coupe transversale
Fig.42 - Canalicule récepteur,  coupe oblique
Fig.43 - Canalicule récepteur, coupe transversale : détail.
Glande acronale d' Argyrodes argyrodes mâle, canalicule récepteur et appareil terminal

Ce, couche externe du canalicule récepteur - Ci, couche interne avec des perforations (flèches) - Dr, canalicule récepteur - Ex, cavité extracellulaire - L, lumière - Mv, microvilli  P, plasmalemmes accolés - R, ribosomes - S, sécrétion dans une vésicule (Fig. 39) ou la lumière (Fig. 38,40)   (©  A.Lopez M.E.T.)


3.2.1.c-Portion conductrice ou excrétrice

Elle est formée par des canalicules et leurs propres cellules dites "canalaires" ou "enveloppes".


Un
canalicule excréteur ou conducteur peut être soit simple, représentant sa totalité lorsqu’il demeure isolé jusqu’à la terminaison (glande également “simple”)(Fig.34,35), soit de 1er ordre lorsqu’il  conflue ensuite (glandes “ramifiée”), dans les deux cas d’un même diamètre, subcylindrique et à paroi (épaisseur 600 Å) réduite à une seule couche, homogène, régulière, formée par de l’épicuticule.


Les canalicules d’ordres supérieurs (2eme ordre et excréteur principal) ont un diamètre plus grand (1,2 µ et 2 à 5µ), une lumière plus large et une paroi formée cette fois par 2 couches : l’une interne, épicuticulaire, dense, opaque et homogène comme celle du canal de 1er ordre, mais d’épaisseur irrégulière, paraissant festonnée en coupes transversales ; l’autre  externe, dérivée de l’exocuticule
(?), plus claire, striée, montrant des fibres hélicoïdales et concentriques. 

                                   

 Cognatus canal 1
Cognatus canal 2 
Fig.44 - Canal excréteur  et sa cellule canalaire Fig.45 - Les mêmes, détail
  Argyrodes cognatus : canal excréteur simple et sa cellule canalaire  
D, canalicule - M, méso - N, noyau ; P, pigment ; S, sécrétion  (©  A.Lopez M.E.T.)
    


        En ce qui concerne les cellules canalaires (Schéma), il n'y en a qu' une seule lorsque le canal est “simple” (Argyrodes cognatus)(Fig.44,45), plusieurs qui se succèdent en gaine continue  lorsque la glande est ramifiée (Argyrodes argyrodes), dont une proximale, autour du canalicule de 2eme ordre, et les autres distales, autour du conduit principal. Dans tous les cas l’adénocyte s’unit à la cellule canalaire adjacente par une jonction adhérente annulaire (zonula adherens). Peu visibles dans les coupes histologiques (pigmentation mélanique éventuelle, long noyau très basophile), les cellules canalaires montrent en M.E.T., qu’elles s’enroulent autour des conduits et renferment dans leur hyaloplasme clair des microtubules ainsi que quelques grains de pigment mélanique. Le noyau est très allongé, aplati, indenté, réniforme en coupe transversale et contient une chromatine abondante, dense et marginée. L’enroulement de chaque cellule détermine une invagination en méso de son plasmalemme (Fig.45), avec jonction septée. D’autres jonctions l’unissent aux voisines.                                               

                                 
4 -Commentaires


4- 1 Sur le plan anatomique, la structure fine des unités constituant la glande acronale permet de les rattacher à la classe 3 des cellules glandulaires épidermiques d' Arthropodes dans sa forme la plus simple : un canal est d’abord entouré par une seule cellule glandulaire où il débute, puis par une cellule canalaire  et est enfin en continuité avec la cuticule au niveau de sa terminaison. Noirot et Quennedey (1974) ont défini pour la première fois cette classe chez les Insectes où existe également un  “appareil terminal”, sensé caractéristique de glandes exocrines tégumentaires défensives ou sécrétrices de phéromones.

On sait par ailleurs que dans de nombreuses glandes exocrines d’Insectes (salivaires, dermiques, annexes du tractus génital), l’appareil de Golgi  ne paraît pas polarisé, ne se dispose pas en dictyosomes mais paraît uniquement formé par des vésicules. Il en est probablement de même pour la glande acronale des Argyrodes où les amas vésiculaires marqueraient l’emplacement de réseaux transgolgiens.

Les unités peuvent être discrètes et isolées (types “acuminé” et “nasuté”) ou former un organe glandulaire anatomiquement défini, plus ou moins volumineux et massif (autres types) montrant généralement une bipartition visible dans les coupes histologiques transversales et la disposition symétrique de pores au M.E.B.

La glande acronale  d’Argyrodes fissifrontella se présente comme  une variation importante pouvant exister aussi chez d’autres espèces, et qui a valeur de stade évolutif.

4- 2 Sur le plan fonctionnel, la glande acronale est étroitement liée au comportement sexuel des Argyrodes.

Jusqu’aux travaux pionniers de l'auteur, les conformations étranges du prosoma des mâles ont été considérées comme “ des bizarreries de la Nature ….évidemment sans utilité ” (Berland, 1932) et illustrées par Millot (1968 : fig.479, p. 696) sans tentative d’explication alors qu'il était un remarquable histologiste ! (Note 1)

Il convenait de rechercher dans l’éthologie d’ Argyrodes certains traits de comportement pouvant relier des hypothèses fonctionnelles à l’existence de la glande.

La relative immunité dont bénéficient les Argyrodes dans leurs rapports avec l’Araignée-hôte n’est nullement concernée. La glande acronale ne peut être considérée comme un organe de défense élaborant une substance répulsive ou vulnérante :  elle manque chez les femelles ; l’absence de musculature compressive et  la terminaison des canaux excréteurs dans une région anfractueuse conformée en cul-de-sac n'impliquent pas une projection de substance ni sa libération massive vers un agresseur lors des "stress".
 



Fissifrontella preludes 
Argyrodes Legendre 1 
Argyrodes legendre 2 
Fig.46 - Argyrodes fissifrontella (Seychelles)
Préludes, accouplement (Ancienne diapo. de A.Lopez)
Fig.47.- Argyrodes zonatus, accouplement :  au centre, positions ; à droite, détail des prosomas
 (schéma d'après Legendre,1960)

F, femelle - M, mâle - P, palpe et son bulbe copulateur. Flèche : étreinte de la protubérance oculaire (?).


Argyrodes accouplement 1
Fig.48.- Argyrodes argyrodes (Cap Vert), accouplement : étreinte du céphalothorax mâle par la femelle.
(d'après B.Knoflach, Internet)
B, bosse frontale - C, chélicères femelles - F, femelle - M, mâle - P, protubérance oculaire .



Argyrodes accouplement 2
Accouplement Argyrodes 3
Fig.49.- Même couple : insertion du palpe mâle droit dans l'épigyne de la femelle
FFFFig.50.- Même couple : sécrétion vraisemblable du palpe mâle droit introduite dans l'épigyne de la femelle pour l'obturer
E, épigyne - F, femelle - H, haematodocha du palpe droit - M, mâle - S, sécrétion palpaire pouvant se concréter en obturateur de l'épigyne
(d'après B.Knoflach, Internet)
  

     De plus, dans le cas du type “rostré”, le seul, semble-t-il, dont l’accouplement et ses préludes aient été étudiés (Legendre, 1960 ; Withehouse,1987) jusqu'à la rédaction initiale de ce texte puis ensuite photographiés avec talent mais sans commentaires anatomiques  (Fig.48 à 50), les chélicères de la femelle étreignent la bosse frontale du mâle, leur “ doigt mobile  pénétrant ” selon Legendre ”dans le repli” - plus précisément l’échancrure- “formé par la bosse frontale et le clypeus” -plutôt la protubérance oculaire. Il est probable qu’au cours de cette manœuvre durant laquelle “ le mâle est littéralement prisonnier des chélicères…”, les parties buccales de  la femelle  entrent en contact intime avec l’échancrure et la sécrétion clypéale qui doit s’y déverser.  De futures recherches anatomiques axées 
cette fois sur le modelé des appendices péri-buccaux femelles,  pourraient établir ultérieurement certaines correspondances entre ce dernier et les
reliefs clypéaux mâles.       Il ne semble pas que la sécrétion soit consommée par la femelle (contrairement à ce qui se passe chez certains Insectes comme les Dictyoptères) mais plutôt qu’elle s’évapore dans la dépression où les poils pourraient jouer un rôle pour la concentrer et (ou) la diffuser. Sa fonction  est celle d’une phéromone qui facilite l’accouplement, donc aphrodisiaque, soit en inhibant momentanément l’agressivité de la femelle dont Legendre (1960) a d’ailleurs souligné une “certaine torpeur” (effet pacificateur), soit  en provocant son excitation sexuelle (“arousal”, selon Withehouse,1987) ce qui paraît plus douteux.

En outre, et contrairement à une autre assertion de Whitehouse (1987), rien ne prouve que la substance soit élaborée en permanence par le mâle qu’elle marquerait ainsi  chimiquement.
    Notons déjà que la copulation s’accompagne de la mise en place d’un “bouchon d' accouplement” (“mating plug”) sur l’épigyne femelle, sécrétion  possible du palpe mâle intromis (Fig.50), entrant dans le cadre étrange des
obturateurs génitaux présentés ailleurs dans ce sous-site et que nous ne redécrirons donc pas à nouveau ici.


4-3.- Sur le plan systématique,
le genre Argyrodes sensu stricto a été seul envisagé jusqu'alors.
En fait, il appartiendrait à une sous-famille plus ou moins bien délimitée et dont certains taxons, d'ailleurs contestables, pourraient être remis plus tard en
synonymie.
4-3-a - Les Argyrodinae Simon,1894 (Conopisthinae Archer, 1950).
Ils comportent, outre Argyrodes, "chef de file", les genres Ariamnes et Rhomphaea, autrefois et souvent encore rattachés encore au précédent, ainsi que
Neospintharus , Faiditus, Deelemanella et  Spheropistha. A l'exception des deux derniers, ces genres ont été présentés par I.Agnarsson (2004) , axée sur la seule anatomie externe, en soulignant la morphologie étrange des mâles (Fig.51 à 54) mais sans  prospection histologique (Note 1) et bien évidemment, sans la moindre allusion à une glande acronale ou clypéale sous-jacente pouvant l'explique. Par ailleurs, elle signale des "filières glandulaires épiandriques"("epiandrous glands spigots") et des "médiators stridulatoires abdominaux sur crête parallèle avec le pédicule" ("abdominal stridulatory picks on ridge, parallel with pedicel"moins sous silence, dans sa bibliographie, l'appareil épigastrique et les sensilles pédicellaires.


Ariamnes
Rhomphaea
Neospintharus
Faiditus

Fig.51- Ariamnes
Fig.52- Rhomphaea
Fig.53 - Faiditus
Fig.54 -Neospintharus

Morphologie et habitus des mâles d' Argyrodinae autres qu' Argyrodes sensu stricto d'après Agnarsson (2004 : fig.94)


Le genre Ariamnes, créé par Thorell en 1869, réunit des Araignées Theridiidae grêles (Fig.51,55,56), à prosoma étroit et abdomen de couleur variable remarquablement allongé, cylindrique, trés flexible, vermiforme ou bacilliforme, d'où les noms spécifiques suggestifs qui ont été créés (colubrinus, columnaceus, cylindrogaster,flagellum, longissimus...), évoquant des "fouets" ou des "rameaux" pour les anglophones ("whip" ou "twig" spiders) et se rapprochant par son  aspect des Phasmes ou Bacilles, dans la classe des Insectes http://faune-flore-languedocienne.alwaysdata.net/garrigue/Insectes_Cheleutopteres.html
Les parties clypéale et oculaire du prosoma mâle peuvent avoir un aspect banal (Fig.55 à 57), proche de celui de la femelle, montrant tout au plus, de profil et, entre les yeux, une discrète intumescence garnie de poils (Fig.51,57). Toutefois, chez certains taxons des îles Hawaï à noms
spécifiques vernaculaires  surprenants (Fig.58,59), il existe une bosse frontale et une protubérance interoculaire,  pileuses, trés saillantes en avant et séparées par une échancrure, ce qui les rattache au morphotype rostré des Argyrodes sensu stricto. Une glande acronale  est, sans nul doute, présente dans tous les cas, même  à minima et devrait être confirmée par l'histologie et le M.E.B.


Ariamnes colubrinus
Ariamnes Tasmanie
Ariamnes type
Ariames kahili
Ariamnes-melekalikimaka
Fig.55 - Ariamnes colubrinus, mâle. Vue latérale droite
D'après H.Vanuytven
Fig.56 - Ariamnes sp., mâle, Tasmanie. Vue dorsale du prosoma
Fig.57 - Ariamnes, mâle
D'après Agnarsson (schéma)

Fig.58 -Ariamnes kahili, mâle
Hawaï

D'après Gillespie et Rivera (schéma)
Fig.59 - Ariamnes melekalikimaka, mâle Hawaï
d'après Gillespie et Rivera



Bf, bosse frontale -C, clypeus - Ch, chélicère ou son emplacement - E, échancrure - H, poils -
O, yeux - P, protubérance interoculaire.


Rhomphaea
est un genre riche en espèces, surtout exotiques, telles R.metaltissima de Bolivie, du Brésil (Fig.62), et surtout que R.(ex Argyrodes)projiciens 
(Fig.5,24) répartie en Amérique des USA à l'Argentine et introduite en Inde. Le même groupe est représenté en France par deux espèces découvertes lors de battages végétaux : Rhomphaea nasica (Simon,1873) (Fig.61) de Corse, Port-Cros,  d'Occitanie (Maurel,2014,Villespassans : Hérault : une femelle seulement), région où demeure Lopez André,  et Rhomphaea rostrata (Fig.60) citée à tort comme une Argyrodes par Emerit (2002) (Note 3)qui l'a récoltée dans l' Hérault, en Dordogne et toujours accidentellement. A l'exception, trés curieuse, de celui de cette dernière ("Male prosoma 1-1.5 mm long without tubercle" (Fig.60), "le mâle ne porte aucune protubérance frontale contrairement au curieux R.nasuta de Corse", Berland, 1926), les mâles (Fig.61,62) sont pourvus d'une protubérance interoculaire évoquant la "tourelle" d' Argyrodes cognatus (Fig.3), ce qui permet de lier leur prosoma au morphotype acuminé

La présence d'une glande acronale y est assurée grace à l'observation en fort grossissement de ses pores excréteurs (Fig.24) , discernables chez deux autres espèces  (Fig.61,62) où ils s'associent à des poils apicaux en "toupet ".

Rhomphaea rostrata mâle
Rhonmphaea nasica mâle
Rhomphaea metaltissima
Fig.60 - Romphaea rostrata , mâle, de  profil gauche, sans les pattes. Prosoma, à gauche, à clypeus (C) trés oblique, dépourvu de tubercule
  D'après Wunderlich,1987 (esquisse)
Fig.61 - Romphaea nasica, mâle, de  profil gauche, sans les pattes. Prosoma pourvu d'un tubercule interoculaire procurvé
D'après Oger-J.P.Taberlet (photo)
 Fig.62 - Romphaea metaltissima, mâle, de  profil gauche, sans les pattes. Prosoma pourvu d'un tubercule interoculaire
  D'après   Agnarsson (M.E.B.)

A, pattes ambulatoires sectionnées - C, clypeus - Ch, chélicères -H, poils spécialisés - O, yeux - P, protubérance ou tubercule interoculaire avec son champ ou zone de pores (Z)



Deelemanella est un genre monospécifique représenté par la seule D.borneo Yoshida 2003 découverte sur le mont Kinabalu au Sarawak (Malaisie). Son mâle présente un clypeus saillant mais tronqué, pourvu de longs poils et surtout, une protubérance dorso-médiane effilée et procurvée, siégeant entre les yeux médians  (Fig.63). Cette disposition rappelle beaucoup, une nouvelle fois, la "tourelle" d' Argyrodes cognatus (Fig.3),de sorte que l'espèce peut être rattachée au morphotype acuminé



Deelemanella borneo
Fig.63 - Deelemanella borneo, mâle, vue latérale gauche.
D'après Yoshida (schéma)
A, pattes ambulatoires sectionnées -C, clypeus - L, pédipalpe -O, yeux - P, protubérance procurvée


Neospintharus
est un genre d' Araignées Theridiidae décrit pour la première fois par H. Exline (1950), mis en synonymie avec  Argyrodes en 1962, puis enfin revalidé en 2004. La femelle (Fig.64), à abdomen plus ou moins
incurvé,  tisse une toile de capture irrégulière ,et un cocon sur le modèle des Argyrodes. Le mâle (Fig.65,66) a adopté un morphotype rostré car il est pourvu d'une protubérance oculaire, d'une bosse frontale garnies de poils et d'un sillon ou échancrure séparant ces deux saillies. Des pores excréteurs, indices d'une glande acronale sous-jacente, y sont perceptibles au M.E.B (Fig.66).

Neospintharus femelle
Neospintharus mâle
Neospintharus mâle 2
Fig. 64 - Neospintharus trigonum, femelle, vue latérale gauche avec l'abdomen dressé puis incurvé.
D'après 
J.H.Emerton (schéma)
Fig. 65 - Neospintharus trigonum, mâle, vue latérale gauche avec ses deux saillies et leurs poils. Schéma.
D'après J.H.Emerton (schéma)
Fig.66- Neospintharus trigonum mâle, vue latérale gauche avec ses deux saillies et leurs poils.  D'après Agnarsson(M.E.B.).
A, pattes ambulatoires sectionnées - Bf, bosse frontale - C, clypeus - Ch, chélicères -E ou S, échancrure ou sillon - H,poils - O, yeux - Po, protubérance oculaire


Faiditus est un cinquième genre d'Araignées Theridiidae  décrit pour la première fois par  Keyserling(1884) et renfermant, du moins jusqu'en 2017,  59 espèces, toutes américaines, à l'exception de l' asiatique F. xiphias (Myanmar, Iles Nicobar, Japon, Krakatau). Mais on peut se demander, d'après des photos internet de Tanikawa (prises à Okinawa) si ce taxon, par son mâle, ne se rattache pas au type nasuté par sa protubérance céphalique (bosse frontale) en "nez" (Fig.68), proche de celle d'Argyrodes nasutus (Sri-Lanka)(Fig.10) incluant vraisemblablement une glande acronale et, de ce fait, plutôt, aux Argyrodes "vrais" dont les femelles adoptent une attitude de repos semblable à la sienne (Fig.67).

Faiditus xiphias femelle
Fa
Fig.67 - Faiditus xiphias, femelle au repos. Vue latérale droite.
D'après Tanikawa (photo)

Fig.68- Faiditus xiphias, mâle se déplaçant. Vue latérale gauche.
D'après Tanikawa (photo)



Toutes les autres espèces ont une "face" presque plane, comme Argyrodes caudatus (Fig.20,21), sans  protubérance oculaire ni bosse frontale (Fig.69 à 72) mais pourvue d'un sillon transversal bordé de poils  et qui surmonte un "menton"  (Fig.72,73) où apparait, du moins chez  Faiditus chickeringi  vu en M.E.B, un étrange champ  de pores excréteurs (Fig.73). De ce fait, la glande clypéale sous-jacente pourrait bien être une structure composite, s'ouvrant pour partie dans le sillon tout comme chez Argyrodes caudatus (Fig. 32,33) et , d'autre part au champ poraire. Quoiqu'il en soit, les authentiques Faiditus, certains appelés autrefois "Argyrodes", peut être aussi par l'auteur lui même(A.dracus ?...) se rattachent indiscutablement au  morphotype camard


Faiditus dracus
Faiditus porto rico sp.
Fig.69 - Faiditus dracus, mâle, vue latérale gauche
D'après Alvarez-Padilla (photo)
Fig.70 - Faiditus sp., mâle,  Porto-Rico, vue latérale gauche
D'après Islandbiogeography.org/
(photo)




Faiditus cancellatus
Faiditus chickeringi 1
Faiditus chickeringi 2
Fig.71 - Faiditus cancellatus, mâle, en vue latérale droite.
D'après Ashley Bradford, inaturalist.org
Fig.72. - Faiditus chickeringi, mâle, prosoma, en vue latérale gauche,après section des pattes ambulatoires.
D'après Agnarsson (M.E.B.)
Fig.73 -Idem,  vue frontale,
D'après Agnarsson (M.E.B.)


C, clypeus - Ch, chélicères - M, "menton" avec un champ de pores - O, yeux antérieurs et latéraux - P, pattes sectionnées -  S, sillon garni de poils.


Au vu de ce qui précède, il est à peu prés acquis  que la glande clypéale ou acronale est un caractère princeps d'anatomie interne caractérisant la sous-famille des Argyrodinae sensu lato


4-3-b- Par ailleurs, il est bon de rappeler, comme déjà signalé dans l'introduction, que des glandes propres aux mâles se rencontrent aussi  en dehors des Theridiidae (Thymoites par exemple excepté?....), notamment dans la grande famille des Linyphiidae où l'on observe de remarquables modifications de la région clypéale, notamment chez Bolyphantes alticeps (Linyphiinae) et une quantité extraordinaire d' Erigoninae à protubérances et autres reliefs d'une diversité inouïe dans la zone "privilégiée" du clypeus ou bandeau (A.Lopez, 1990b) et la région oculaire.
Shou-Wang & al. (2021) 
les ont explorées récemment dans une remarquable étude tomographique aux rayons X, sans pour autant la compléter de confirmations histologiques, une lacune d'autant plus regrettable (Note 1) que leur "gustatory" ou "nuptial-gift-producing gland", non présentée en détail, pourrait correspondre, du moins en partie, à des glandes gnathocoxales  dont le dimorphisme sexuel est prouvé chez les Erigoninae.


Notes infra-paginales


Note 1 : Une fois de plus, nous retrouvons là à regret le caractère superficiel de telles études et affirmations plus ou moins gratuites où l’auteur "dérape" moins par absence de moyens techniques (d’autant plus qu’il est souvent universitaire et peut demander l’assistance d’un laboratoire de microscopie voisin) que par manque de curiosité réelle et méconnaissance complète,  même chez un spécialiste, de ce que peut apporter l’ histologie systématique, moyen d’investigation pionnière incomparable  négligé  plus que jamais  encore aujourd'hui (2023)....


Note 2: Laboratoire CNRS, Moulis 09200 : fixation des parties étudiées au glutaraldéhyde à 2,9% dans le tampon Millonig 0,2 M, au cacodylate pour Kaira alba), post-fixation au tétroxyde d’osmium à 0,2% dans le même tampon, et inclusion en épon (au Spurr pour Kaira alba) ; coupes fines au microtome Reichert OM U2 contrastées par l’acétate d’uranyle, le citrate de plomb et examinées ensuite sous 50 KV, au microscope Sopelem du Laboratoire souterrain.  Travail effectué  avec Lysiane Juberthie-Jupeau, directeur  de recherches au CNRS,  et ses collaboratrices.


Note 3 : Emerit (2002), qui a vraisemblablement capturé son "Argyrodes rostratus" en battant la végétation xérophile de garrigue établit une confusion facheuse avec l'espèce du même nom (
Argyrodes rostratus Blackwall, 1877), taxon tropical endémique des Seychelles).


LIENS EXTERNES

https://wikimonde.com/article/Argyrodes

BIBLIOGRAPHIE


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