Si
l'on excepte certaines espèces australo-orientales (Portia, Euryattus,
Simaetha..),
les Araignées de la famille des Salticidae ne sont pas réputées comme
tissant des toiles élaborées, leur industrie
séricigène se limitant en général à
des coques d'habitation et aux cocons ovigères
dissimulés dans un abri.
Toutefois, depuis quelques
années, des naturalistes
français s'exprimant sur le Net, surtout dans la région PACA (Drouard & al.,2019; Martin J.J.,2025)
, créditent le genre
néarctique Pellenes
de constructions d'une toute autre nature.
(J.J.Martin, 2022 et 2025) Il est
donc grand temps qu'en
vertu
du sacro-saint principe de priorité l'auteur de cet
article
fasse rendre
justice aux "toiles en voile de bateau" de Pellenes arciger qu'il
découvrit en Lozère voilà près de 4
décennies, les dénommant ainsi dès leur
première description (Lopez, 1986).
Par ailleurs, il rappelle qu'une autre Salticide, cette fois d'un genre
différent et vivant en Guyane, donc également
française , tisse une étrange petite toile qu'il baptisa
"X-barred tent web" dans sa publication en anglais (Lopez,1985) antérieure d' un an à la
précédente. D'aprés la rédaction de la
British Arachnological Society, il s'agit d'une espèce nouvelle
du genre Fritzia (note infrapaginale, p. 4 : * Spider
probably belonging to a new species of the genus Fritzia".
II - LES TOILES
1 - Localisation
Le 28 juin1986, l'auteur
observa en effet sur le causse Mejean de curieuses petites toiles d'Araignée
disséminées dans les vastes étendues steppiques du
plateau et qui se sont avérées construites par une
Salticide meridionale, Pellenes arciger (Walckenaer,1837).
Ces petits édifices soyeux étaient disséminés non loin de l'Aven Armand, dans des pelouses bordant
la nationale 586 (Lopez,1986,1997).
Ils ont été
ensuite
retrouvés sur
le
même plateau, au
Roc des Hourtous ainsi qu' aux Arcs-de-Saint-Pierre (29 juin 1986), puis sur le Causse Noir, près de Veyreau (30 juin 1986) (Fig.1).

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Fig.1 - Pelouse à Stippa constellée de toiles
de Pellenes
érigées (flèches blanches)
Causse noir, Lozère.
D'après une mauvaise photoN/B., A.L.
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Fait
curieux, les années suivantes (même epoque: fin juin, débutjuillet), des recherches
effectuées avec Francis Marcou) n'ont pas permis de retrouver la moindre toile de Pellenes dans les secteurs dejà
parcourus en 1986. Les
deux dernières prospections effectuées
sur le Mejean (6 et 7/97) se sont notamment revélées infructueuses, lcs rares toiles observées dans les pelouses étant des «nurseries » de Pisaura mirabilis.
2 - Description
Il
s'agissait de toiles en nappe, non pas horizontales mais
dressées
verticalement, leur blancheur et leur éclat permettant de les
apercevoir
de loin (Fig.1).Tendus
entre les Poaceae (Fétuques, Stipes
pennées ou "cheveux d'ange"), et la
pierraille
calcaire,
ces édifices
présentaient une orientation et une forme
particulières, en triangle, rectangle ou trapèze
grossicr,
(Fig. 2
à 8) justifiant leur nom de toiles en"voile de bateau"que
l'auteur a utilisé dans sa description initiale (Lopez,1986), d'autant plus
que certaines évoquaient curieusement la voilure d'une jonque
(Fig.6 et ...in
Wikipédia)

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Fig.2
- Toile, Causse Méjean
D'après une diapositive
(A.L.)
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Fig.3 - Autre
toile, même causse.
D'après une diapositive (A.L.) |
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Fig.4
- Autre toile, même causse.
D'après une diapositive (A.L.)
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Fig.5
- Autre toile, même causse.
D'après une photoN/B., A.L.
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Fig.6
-Autre toile, même causse.
D'après une diapositive (A.L.)
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Fig.7
-Autre toile, même causse.
D'après une diapositive (A.L.)
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Fig.8-Autre toile, même causse.
D'après une diapositive (A.L.)
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La partie inférieure de chaque toile dressée se prolongeait en une retraite tubulaire "glissant"
sous une pierre(Fig.1 e 2)
ou s'engageant dans une coquille vide
de Gastéropode (fig.9,10), habitacle d'ailleurs signalé
par Simon (1876)
chez "Pellenes
arcigerus".

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Fig.9 - Autre toile s'engageant dans une
coquille
vide d' Hélix (flèche)Causse
Méjean, 1986
D'après Lopez, 1997,
fig.3, p.37.
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Fig.10 - Détail de la
précédente
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III
- L' ARAIGNEE
Ce
"Saltique à arche" est suffisamment décrit dans
la littérature
pour faire ici l'objet
d'une nouvelle présentation détaillée.
Trés petite
(3 à 4,5mm) par
rapport à sa construction, l'Araignée,
généralement une femelle adulte mais aussi, peut
être un mâle, se tenait généralement
sur l'une des faces de cette
dernière (Fig.11 à 13) ou dans la retraite, toujours
solitaire, immobile ou réparant des brèches avec
ses filières.
Aucune proie, entière ou ses vestiges, n'était visible
sur la nappe, dans le tube ou à leur pied.

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Fig.11 - Autre araignée
(flèche) sur sa toile, vue
dorsale. Causse
Méjean, 1986
D'après Lopez, 1986,
fig.5.
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Fig.12 - La même (flèche),
détail
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Fig.13 - Autre araignée
(flèche) sur sa toile, vue
latérale droite. Causse
Méjean, 1986
D'après Lopez, 1997,
fig.2, p.37.
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Beaucoup plus tard, l'auteur a eu la grande surprise de retrouver Pellenes
et ses toiles, encore en Occitanie,
mais cette fois près du littoral, à trés basse
altitude, tout près de chez lui (Colombiers) : sur
la partie nord de la colline d' Ensérune, connue pour son
célèbre musée, et à Montady, à
proximité de l'étang du même nom. Etablies dans
des pelouses thermophiles de
garrigue, les toiles
étaients fixées à des cailloutis,
souvent insérées dans des coquilles vides d'escargots par
leur partie tubuleuse,
leur voile étant soutenue sur son pourtour
par des graminée et ainsi dressée. Cette
année 2025, la proximité des sites sus-mentionnés,
a permis à l'auteur de les visiter dès
le début Juin mais
ses recherches, dans des conditions
caniculaires, se
sont avérées infructueuses comme antérieurement en
Lozère.
IV -
COMMENTAIRES
Rappelons
que le tissage de "voiles de bateau" par Pellenes arciger
est un
phénomène unique comme l'ont souligné
l'auteur (Lopez,1986) et son collègue australien Robert
Jackson
dans une communication personnelle. Il se singularise, non seulement par le "design" qu'adopte l'araignée,
mais surtout par le fait qu'une industrie séricigène
constructrice est inconnue jusqu'ici chez les Salticidae holarctiques, néotropicales et
éthiopiennes. Elles produisent seulement des fils de
sécurité, des
plateformes de mue banales, des cocons ovigères et des
retraites d'un
aspect parfois fort singulier Tel est le cas de la"toile en tente barrée par un X" ("X-barred Tent Web" : Lopez,1985).

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Fig.
14- Fritzia
n.sp. Toile en tente symétrique avec ses ouvertures médiane
(M), latérales (L) et son bandeau médian en "X".
Piste de Nancibo, Guyane
D'après une diapositive (A.L., 1985)
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Fig.15
- Fritzia n.sp.Autre
toile, avec l'araignée se présentant à une
ouverture latérale (flèche)
Piste
de Nancibo, Guyane
D'après une diapositive (A.L., 1985)
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Fig.
16- Fritzia
n.sp. Autre toile, avec l'araignée se présentant
à l'ouverture inférieur (flèche)
Piste de Nancibo, Guyane
D'après une diapositive (A.L., 1985)
|
Remarquer que
la toile est toujours installée sur une nervure de feuille, en
général médiane
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Le tissage d'une
vraie toile élaborée, quoiqu'irrégulière et
tridimensionnelle, n'est décrit dans la même famille que
chez certaines espèces australo-orientales : Portia, Euryattus,
Simaetha (Jackson.....)
...........
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
Jackson,
R.R.,1982.- J.Zool.Lond.,186, p.255-293.
Lopez,A., 1985.- The "X-barred tent web" of a
Salticid Spider from French Guiana. Newsl.Br.Arachnol.soc.(U.K.),
n°42, p.4-5.
Lopez,A.,1986.-
Construction de toiles en
« voile de bateau » par une Araignée
Salticide languedocienne. Bull. Soc. arch.scient. litt. Béziers,
2, 6e ser., p.65-68.
Lopez,A.,1997
(en col. avec F.Marcou). –
Un
mystère non résolu : la toile d’une Araignée
Salticide caussenarde. Bull. Soc.Et.Sci.nat. Béziers, 16, 57,
p.35-37.
Simon,E., 1876
- Les Arachnides de France,
III : Attidae.
Libr.encycl. de Roret, Paris.
Jean-Jacques MARTIN,J.J.,
jjmnature@gmail.com